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La censure 2.0 est en marche

Mardi 07 fevrier 2012

Le Web 2.0 avait marqué l'ère de l'internaute roi, centre de l'activité, auteur générateur de contenu. Assez ironiquement, le grand mot du web 2.0 a un double sens: "Share", c'est le partage, mais il signifie aussi action en bourse. Prophétique.

A présent qu'il y a assez de contenu et que tout cela s'entretient tout seul par effet boule-de-neige (Facebook, G+, Flickr...), les multinationales peuvent monétiser grassement. Ce n'est pas pour rien que Facebook était valorisé à 70 milliards de dollars l'année dernière. Mark Zuckerberg vous remercie chaudement. Son introduction en bourse à la hauteur de 5 milliards de dollars d'actions devrait bien se passer. (Pour mémoire, Google était entré en bourse en 2004 à hauteur de 1,4 milliards "seulement").

Maintenant que tout le monde se rince grassement sur l'activité des internautes, il faut sécuriser tout cela. Que voulez-vous, à force de vivre dans des bulles, il y a des traumatismes d'éclatement qu'on a du mal à oublier. Alors hors de question de recommencer les mêmes conneries. Hors de question de perdre du fric. L'argent doit couler à flots, tant pis s'il faut marcher sur la gueule de certains pour arriver à ses fins.

Les multinationales ne contrôlant pas encore directement le peuple, elles sont encore obligées de passer par l'intermédiaire des gouvernements. Faire pression sur les gouvernements a jusqu'à présent bien marché: pots de vin, financements de campagnes, lobbyisme, campagnes médiatiques, pression sur l'appareil judiciaire... toutes les ficelles ont déjà été tirées, certaines avec succès. Des lois ont été votées, le peuple s'est pris des baffes, les politiques n'ont rien vu, ou on choisi de ne pas voir.

Mais ce n'est pas suffisant. Trop de voix commencent à s'élever contre ces lois liberticides, les gens descendent même dans la rue. Ça ne peut pas continuer comme ça, les multinationales le savent bien. On peut toujours faire quelques effets de manche et taper du poing sur la table pour redorer son image (après tout, ce con de peuple a la mémoire courte et un déficit d'attention), mais la duperie ne pourra pas durer éternellement (On peut tromper une fois mille personnes...).

Et plus gênant que tout, ce foutu peuple commence à voir qui tire les ficelles, et la grogne monte. Il serait même bien capable de demander à ses girouettes de gouvernants de faire quelque chose. Il faut agir. Et là, ça tombe très bien, la grogne du peuple fait peur aux gouvernements. Oui oui, même les démocraties. Voilà un heureux hasard qu'il faut exploiter.

Finalement, la solution est assez simple: Plutôt que de faire pression sur le peuple à travers les gouvernements, il suffit de baisser sa culotte et de donner l'impression à ses derniers de se plier à leurs désirs. L'homme politique aime les courbettes et les petits-fours. Cet immense pouvoir sur le contenu et les communications - même privées - des internautes est un argument de poids. C'est décidé, nous entrons désormais dans l'ère de la Censure 2.0, celle où on restreint l'internaute, où on contrôle, filtre et musèle son contenu pour plaire aux gouvernements et assurer ses bénéfices.

Côté gouvernement ? Ils ne peuvent qu'être dans leurs petits souliers: Des multinationales qui viennent leur manger dans la main et fournir les outils de surveillance et de censure, miam. Moi je ne laisserais pas un tigre venir manger dans ma main. Je me demanderais pourquoi le tigre m'approche, moi petit primate, alors qu'il a déjà tout l'attirail pour aller chasser.

Mais les gouvernants ne pensent pas à ça. Ils ont d'autres préoccupations: Celles d'assurer leur position. Non toute cette liberté, ma bonne dame, c'est pas possible. On ne peut pas laisser le peuple s'exprimer librement, sinon c'est la chienlit.

Les entreprises du Web 2.0 commencent donc à censurer. Twitter, par exemple, a récemment annoncé le blocage des messages selon les pays, au bon vouloir des gouvernements. C'est le Brésil qui inaugure. Oh ce n'est pas le seul. Google redirige également ses blogs vers des domaines nationaux pour faciliter la censure. Microsoft installe des certificats pour permettre aux gouvernements d'espionner en échange d'un monopole. Google fait des courbettes aux gouvernements en donnant des informations sur les membres de Wikileaks et TOR, tout en s'indignant publiquement de l'augmentation des demandes de ces mêmes gouvernements. Vaste mascarade.

Il est temps de se réveiller. Faire la révolution à vos gouvernements ? Commencez par arrêter de financer votre oppression: A défaut d'arrêter de rouler en voiture (et financer par là même les pétro-meurtriers), commencez en jetant cette merde de Web 2.0 centralisée, parce que tout ces jolis services gratuits sont en train de vous surveiller, vous museler et vous dénoncer, tout en douceur, main dans la main avec vos dirigeants (qui ne sont pas forcément bienveillants).

La cyber-guerre a commencé. Mais ne faites pas l'erreur de vous tromper de belligérants: Ce n'est pas une guerre entre les pays, mais entre vous et ceux qui ont le pouvoir, qu'il soit politique ou économique. Parce que rien n'est plus dur que de lâcher ses acquis. Et ils en ont sous le matelas, beaucoup, et ils n'ont pas envie de partager, eux.


EDIT 18 février 2012: Illustration par l'exemple: En Inde, les grandes sociétés (Google, Facebook, Twitter...) ont décider de se plier aux exigences de censure du gouvernement. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autre, qu'on verra fleurir de plus en plus, des dictatures aux démocratie sans distinction. Je cite GlobalVoices:

« Fondée sur l'idéal de “Do no evil” (Ne faites pas de mal), Google a cessé d'utiliser ce slogan en public, la devise ayant été occasionnellement jetée aux oubliettes en faveur des profits, au lieu de garantir un service qui serve au mieux ses utilisateurs.  »

Côté Canadien, la volonté de surveillance fait rage: Un ministre canadien utilise la vieille vision manichéenne attardée de la lutte contre la pédophilie pour essayer de faire passer une surveillance globale des internautes: Pour lui, vous êtes avec le gouvernement, ou du côté des pédophiles. C'est un vieil argument déjà usé jusqu'à l'os.

EDIT 19 février 2012: On continue: Twitter censure les comptes qui parodient Nicolas Sarkozy. Et il semblerait qu'un internaute ait eu droit à 10 heures de garde à vue pour un blog satirique sur Nadine Morano.

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