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Les raisons derrière le mythe selon lequel le cantonais serait une langue chinoise plus authentique

Mon, 24 Nov 2025 16:05:58 +0000 - (source)

Le débat sur l’authenticité est une réaction à l’intrusion culturelle

Initialement publié le Global Voices en Français

Expressions et mots cantonais couramment utilisés qu’on ne trouve pas dans les dictionnaires de mandarin standard. Image d’Inmediahk.net (CC: AT-NC).

Comme expliqué dans un précédent article, il n’existe pas qu’une seule langue chinoise, mais de nombreux dialectes et variantes. Ce n’est qu’après la fondation de la République de Chine en 1912 que le mandarin, une langue parlée dans le nord-est du pays et au sein de la cour impériale de la dynastie Qing, est devenu la langue nationale de la Chine.

La décision a été prise le 15 février 1913, à la suite d’un processus de vote arbitraire mené par le « Comité de standardisation de la prononciation », sous la République de Chine nouvellement fondée. Le comité comptait 44 représentants, mais son président, Cai Yuanpei, alors recteur de l’Université de Pékin, détenait 29 voix, tandis que le vice-président en détenait 5.

En raison de l’absence de consensus et de la montée du régionalisme durant l’époque des seigneurs de la guerre de la République de Chine (1916-1928), le mouvement en faveur du mandarin comme langue nationale s’est heurté à des résistances locales. Le gouvernement central de la République de Chine a alors dû appeler à une « révolution culturelle » afin de « sauver le pays ».

Le mandarin, appelé plus tard putonghua, a servi de lingua franca en Chine, permettant aux locuteurs de différentes langues chinoises de communiquer entre eux. La diversité linguistique du pays a perduré jusqu’aux années 1990, période à laquelle le putonghua a été officiellement promu comme langue d’enseignement principale dans les écoles.

Beaucoup ont dénoncé la décision arbitraire de 1913 qui faisait du mandarin la langue officielle, et des défenseurs locaux se sont opposés à la suppression des langues maternelles.

Dans la province du Guangdong, où l’on parle cantonais, beaucoup estiment que leur langue locale est plus authentique que le mandarin, et certains pensent même que le cantonais a failli être choisi comme langue officielle de la Chine.

Beaucoup de révolutionnaires chinois ayant renversé la dynastie Qing dirigée par les Mandchous sont nés dans le Guangdong. C’est le cas, par exemple, du père fondateur de la République de Chine, Sun Yatsen, locuteur natif du cantonais et du hakka. Il a commencé à élaborer des plans pour renverser la dynastie Qing à Hong Kong en tant que membre du groupe de locuteurs cantonais appelé les Quatre Bandits. Après avoir fondé la Société de l’Alliance de Chine au Japon, Sun a collecté des fonds auprès des Chinois d’outre-mer de Nanyang (terme désignant des pays d’Asie du Sud-Est, dont la Malaisie, l’Indonésie et les Philippines) pour financer la Révolution chinoise. Les Chinois d’outre-mer du Nanyang parlent en majorité le cantonais et le hokkien.

Le cantonais ou d’autres langues du sud de la Chine étaient ainsi considérés comme des choix plus corrects politiquement, le mandarin étant la langue parlée par la cour impériale des Qing, contre laquelle les révolutionnaires chinois prévoyaient de se révolter. C’est probablement la raison pour laquelle le « Comité de standardisation de la prononciation » de la République de Chine n’a pas réussi à atteindre un consensus concernant la langue officielle, la décision ayant finalement été largement influencée par son président.

Outre les considérations politiques, du point de vue de nombreux Chinois du sud de la Chine, le mandarin est considéré comme une « langue han étrangérisée » (胡化漢語), la partie nord de la Chine ayant été sous la domination de peuples étrangers tout au long de l’histoire chinoise.

D’après Yuan Tengfei, célèbre historien et professeur d’histoire chinois, le mandarin était une langue créole parlée par des tribus étrangères dans le nord de la Chine, autour de Pékin. L’historien souligne dans l’un de ses ouvrages sur l’histoire de la Chine :

北京是遼金元明清五朝故都,除了明朝,遼金元清全是少數民族,所以北京這個地方自古胡漢雜居,胡人統治的時間可能比漢人還要長。

Pékin est l’ancienne capitale de cinq dynasties : la dynastie Liao dirigée par les Khitans (916-1125), la dynastie Jin dirigée par les Jurchens (1115-1234), la dynastie Yuan dirigée par les Mongols (1271-1368), la dynastie Ming dirigée par les Han (1368-1644) et la dynastie Qing dirigée par les Mandchous (1636-1912). À l’exception de la dynastie Ming, les dynasties Liao, Jin, Yuan et Qing étaient toutes gouvernées par des minorités ethniques non han. Ainsi, Pékin a toujours été un lieu de cohabitation entre Han et peuples étrangers, et la période de domination des peuples étrangers y a sûrement été plus longue que celle des Han.

En revanche, d’autres langues du sud de la Chine, en particulier le cantonais, sont considérées comme plus authentiques.

Le mythe autour du cantonais veut que cette langue ait été parlée dès la dynastie Tang et conservée dans le sud de la Chine après la révolte d’An Lushan (755-763), lorsque l’empereur s’enfuit au Sichuan et qu’un grand nombre de lettrés se réfugièrent également dans le sud du pays.

Bien qu’il soit impossible de retracer avec précision les prononciations du chinois à l’époque de la dynastie Tang, le mythe du cantonais est étayé par de nombreux exemples montrant que les expressions de cette langue s’appuient sur la littérature classique chinoise. Par exemple, le terme « amour » se dit « jung1-yi3 » (鍾意) en cantonais, et non « xi huan » (喜歡) comme en mandarin, terme reflété dans le roman Au bord de l’eau de la dynastie des Song du Nord. De même, « combien » se dit « gei2-do1 » (幾多) en cantonais, au lieu de « duo shao » (多少) comme en mandarin, expression reflétée dans le poème « 虞美人 » (« Lady Yu, la belle impériale ») écrit par Li Yu (李煜, 937-978), empereur de la dynastie des Tang du Sud.

Les poèmes de la dynastie Tang rimeraient également mieux en cantonais. Un exemple souvent cité est le poème « Monter sur la tour des cigognes » (登鸛雀樓) de Wang Zhihuan (688-742). La transcription ci-dessous illustre la manière dont le poème rime en putonghua et en cantonais :

白日依山盡 | Le soleil blanc se couche derrière les montagnes
黃河入海流 | Le fleuve Jaune se jette dans la mer
欲窮千里目 | Si vous souhaitez une vue plus vaste
更上一層樓 | Montez encore d’un étage

Mandarin : Bái rì yī shān jìn
Huánghé rù hǎiliú
yù qióng qiānlǐ mù
gèng shàng yì céng lóu

Cantonais : baak6 jat6 ji1 saan1 zeon6
wong4 ho4 jap6 hoi2 lau4
juk6 kung4 cin1 lei5 muk6 
gang13 soeng56 jat1 cang4 lau4

Pourtant, comme l’ont souligné certains spécialistes, le débat sur l’authenticité reflète la réaction locale à  l’intrusion culturelle de l’autorité centrale. Depuis l’adoption de la Loi sur la langue nationale standard parlée et écrite de Chine en 2000, les habitants de la province de Guangdong ont exprimé une forte opposition. En l’espace de deux décennies, l’usage du cantonais dans les communications publiques au sein des organisations gouvernementales, des écoles, des entreprises, des restaurants et autres structures a progressivement été remplacé par l’usage du putonghua dans la province.

En ce qui concerne Hong Kong, depuis 1999, le gouvernement de la ville a élaboré un plan visant à mettre en œuvre la politique d’enseignement du programme de chinois en putonghua plutôt qu’en cantonais, en complément du programme de putonghua dans l’enseignement primaire et secondaire. Néanmoins, ce plan a rencontré une forte opposition dans le secteur de l’éducation, car des recherches ont montré que les enfants auraient des difficultés à comprendre les expressions écrites en chinois si elles étaient expliquées en putonghua. L’authenticité du cantonais a également été avancée comme un argument majeur contre la politique de standardisation linguistique. Ce plan est resté suspendu jusqu’en 2008.

En 2020, plus de 70 % des écoles primaires et environ 30 % des établissements secondaires de Hong Kong avaient adopté le putonghua pour l’enseignement du programme de chinois.

Après la répression des manifestations de 2019 contre l’extradition vers la Chine et la mise en œuvre de la Loi sur la sécurité nationale en 2020, la volonté d’imposer pleinement l’enseignement en putonghua dans le cursus d’enseignement du chinois s’est renforcée. Wong Ching-yung, un intellectuel favorable au gouvernement, a par exemple défendu dans le magazine Bauhinia l’idée selon laquelle le remplacement du cantonais par le putonghua comme langue chinoise standard à Hong Kong devrait constituer un élément central de « l’éducation nationale » de la ville, en appuyant son argument sur le statut international du putonghua, reconnu comme langue officielle parlée à l’ONU.

La Journée de la langue chinoise des Nations Unies, le 20 avril, pourrait devenir une nouvelle occasion de promouvoir la standardisation du chinois parlé à Hong Kong. L’ironie est que ce jour est à l’origine consacré à la célébration de la diversité linguistique.


Ce n'est pas le tai-chi de grand-mère : Maître Sun révèle la vérité derrière le flux

Mon, 24 Nov 2025 15:56:41 +0000 - (source)

Le Qi est une énergie convertie de l'air que nous respirons en puissance explosive.

Initialement publié le Global Voices en Français

Master Sun Peiqiang

Maître Sun Peiqiang. Utilisé avec autorisation.

En général, quand les gens pensent au Taijiquan, mieux connu sous le nom de Tai- Chi (太极拳), deux images contrastées leur viennent généralement à l'esprit. La première est celle d'une routine lente pratiquée par des personnes âgées dans les parcs tôt le matin, souvent comparée à du yoga en mouvement. L'autre est une scène d'arts martiaux spectaculaire et rapide, telle qu'on la voit dans les films d'action chinois, toute en sauts périlleux et mouvements puissants. Bien que les deux évoquent la même tradition, cette pratique séculaire est en réalité beaucoup plus complexe — et spirituelle — que ne le suggèrent ces deux stéréotypes.

Curieux de connaître la vérité qui se cache derrière ce flux, Jo Carter (JC), contributeur de GV, a interviewé en personne Maître Sun Peiqiang (孙佩强), héritier de quatrième génération du Xiaojia Taijiquan de style Chen, afin d'explorer ce que signifie réellement le Tai-Chi au-delà des clichés. 

Le tai-chi est largement pratiqué dans la Chine contemporaine et dans le monde entier, et on le voit couramment dans les parcs, les cours de fitness et autres lieux similaires. Cependant, au-delà de ces formes familières, le tai-chi a une autre méthode de transmission conventionnelle : par le biais du système maître-élève ou au sein des familles, transmis de génération en génération, mais non pas aux étrangers. Ces pratiquants commencent généralement leur formation dès leur plus jeune âge, en mettant l'accent sur la culture interne et les compétences pratiques de combat.

Maître Sun, l'un de ces pratiquants, est né dans une famille qui s'est transmis le Wuxing Quan (五行拳/Boxe des cinq éléments) depuis des générations. Il a commencé à s'entraîner aux arts martiaux à l'âge de huit ans sous la supervision stricte de son grand-père. Aujourd'hui, il dirige une école de Taijiquan à Changchun, dans la province de Jilin, où il enseigne à plus d'un millier d'élèves de tous âges, originaires du pays et de l'étranger, perpétuant ainsi l'héritage des arts martiaux traditionnels grâce à un enseignement pratique et à un engagement communautaire.

Jo Carter (JC) : Comment avez-vous découvert le tai-chi ?

孙佩强(孙)我八岁开始跟我爷爷学五行拳及陈式小架太极拳。学了陈式,杨式,孙式这三家。太极拳根本上是武术。如果只练广场上健身的那种,是不能跟人打。但是像我们家传的,很重视实战。

我太爷是道士,我们家传了一套功夫,叫做五行长生功。就是一种养生,练气的拳法。这个和太极拳一起练,人就会比较长寿。太极拳练的是肾,中医认为人的生命之源在于肾,肾左右人的衰老程度,还有助于旺盛的气血。而五行拳,对应的是五脏(心脏,肝脏,脾,胃,肾),所以练一遍拳,等于给五脏六腑做按摩,有长寿功能。而且我家的人都偏瘦,因为练拳会燃脂,把多余脂肪消耗掉。练功达到一种境界,保持气血的充沛和活力,活到九十岁是很普遍的。我太爷活到了九十四,爷爷活到了九十七岁。现在我已近40岁,身体哪都没有毛病或疼什么的。

Sun Peiqiang (SP):

J'ai commencé à apprendre le Wuxing Quan et le Xiaojia Taijiquan de style Chen avec mon grand-père quand j'avais huit ans. J'ai appris les styles Chen, Yang et Sun. Le Taijiquan est essentiellement un art martial. Mais si vous pratiquez le Tai- Chi dans un parc, uniquement pour rester en forme, vous ne pourrez pas vous battre. Alors que la manière dont nous le pratiquons, telle qu'elle a été transmise dans notre famille, accorde une grande importance au combat réel.

Mon arrière-grand-père était un prêtre taoïste. Notre famille a transmis un ensemble d'arts martiaux appelés « Pratique de la longévité des cinq éléments», une forme de Qigong, d'exercices de respiration et de boxe. Lorsque celle-ci est pratiquée en complément du tai-chi, elle est favoriserait la longévité. Le tai-chi se concentre sur les reins, qui, selon la médecine traditionnelle chinoise, sont le fondement de la vie humaine. L'état des reins détermine le rythme du vieillissement, donc travailler sur les reins aide à stimuler la circulation sanguine. La boxe des cinq éléments correspond aux cinq organes principaux (cœur, foie, rate, estomac et reins); pratiquer cette forme revient à masser les organes internes, ce qui peut aider à prolonger la vie. Les membres de ma famille ont tendance à être minces, car la pratique de cette forme brûle les graisses et élimine l'excès de graisse. Si l'on atteint un certain niveau de pratique, en maintenant un qi et un sang abondants et dynamiques, il n'est pas rare de vivre jusqu'à 90 ans. Mon arrière-grand-père a vécu jusqu'à 94 ans et mon grand-père jusqu'à 97 ans ; aujourd'hui, à près de 40 ans, je ne souffre d'aucune maladie ou douleur.

JC: Les formes de taichiquan les plus pratiquées dans le monde sont probablement le style Yang et le style Chen. Quelles sont les différences entre les deux ?

孙:陈氏太极拳起源是因为战场和劳作相结合出来的,当年在陈家沟,白天种地而引起的身体的疲劳用太极拳来起到健身作用。还有就是,王宗岳的《太极拳论述》,把最早的陈家沟的陈氏108式长拳转化为太极拳,通过这个过程,逐渐转化的适合养生。

杨氏是因为杨露蝉去北京教高官子弟时,那些人不适合练习太激烈的,所以变得比较柔和。而陈氏太极拳重视阴和阳的平衡。陈氏比杨氏要难一些,因为它讲究均衡,有发力的,也有没有力量的。杨氏是讲究平缓,是不发力的,适合一些中老年人,也更易学。

各种太极拳都有养生效果,只是各种派别之间有些区别。但如果想达到养生的境界,还是要刚柔并进,因为人的技能会随着年龄的增长会退化。如果你一味的练没有力量的,年龄大了之后,肌肉的力量会变弱,动作会变慢,不会那么凌厉。所以,陈氏太极拳同时要有发力和不发力的,两者结合才能达到健身养生作用。因为毕竟太极拳最早是用来技击用的,防身或打人的,现在转化成养生的,也要并行的练,你的肌肉和气血不会退化,才能保持年轻的状态。

SP: L'origine du taichiquan de style Chen trouve ses racines dans le double objectif du combat pratique et de la forme physique. À l'époque, à Chenjiagou [son village natal], Chen s'appuyait sur cette pratique pour rester en forme et soulager la fatigue physique résultant du travail agricole quotidien. Plus tard, Wang Zongyue, dans son ouvrage « Traités sur le tai-chi », a développé le style original de Chenjiagou, composé de 108 mouvements d’entraînement, pour en faire le taichiquan, plus adapté à des fins de santé et de remise en forme.

Le style Yang a été créé par Yang Luchan. Lorsqu'il a commencé à enseigner à Pékin, les descendants des nobles et des fonctionnaires étaient incapables de maîtriser les mouvements puissants, il a donc adouci l’entraînement. Le style Chen met l'accent sur l'équilibre entre le Yin et le Yang et, comparativement, il est plus difficile que celui de Yang, car la forme consiste à trouver l'équilibre entre la libération et la non-libération d'une puissance explosive. Le style Yang est doux, sans puissance explosive, adapté à certaines personnes d'âge moyen et âgées, et plus facile à apprendre.

En fait, toutes les formes de tai-chi ont des bienfaits pour la santé, malgré les différences entre écoles. Cependant, pour optimiser ces bienfaits, il est nécessaire de pratiquer à la fois les mouvements doux et les mouvements puissants.

Les êtres humains se détériorent avec l'âge. Si l'on ne pratique que le style doux, les muscles s'affaiblissent avec l'âge et les mouvements deviennent moins agiles. C'est pourquoi le Taichiquan de style Chen doit intégrer à la fois des mouvements puissants et non puissants ; ce n'est qu'en combinant les deux que l'on peut rester en bonne santé et en forme. Après tout, le Tai-Chi a été initialement développé pour le combat, l'autodéfense ou l'attaque. Même s'il a maintenant évolué à des fins de remise en forme, il est toujours nécessaire de pratiquer les deux aspects simultanément. Cela permet de garantir que vos muscles et votre circulation sanguine restent dans un état de jeunesse et que leur dégénérescence soit plus lente.

JC: Quelle est la différence entre le yoga et le taijiquan ?

孙:瑜伽和太极拳有异曲同工之妙。外人练瑜伽可能光练形,就是抻拉什么的,但是瑜伽也是练气的,就是内在的。它有动功和静功同时练的,它和中国的八段锦,五禽戏,易筋经比较相像。他们都是以抻筋为主,练气为辅,让你的筋骨和筋膜保持弹性和柔软度。中国有句古话,叫“筋长一寸,多活十年”。

所以瑜伽的好处和太极拳是一样的,但是相左的地方是,瑜伽只是抻拉为主,太极拳从起源上是武术。特别是陈氏,讲究攻守兼备,阴阳始终是平衡的。

SP: Le yoga et le taijiquan sont similaires. Les débutants peuvent se contenter de pratiquer le yoga, c'est-à-dire des étirements, etc., mais le yoga implique également la pratique du Qi, qui est interne. Il comprend à la fois des exercices dynamiques et statiques, et s'apparente au Brocart chinois en huit sections ou Baduanjin, aux Cinq postures d'animaux, et au Yijin Jing. Tous ces exercices visent à étirer les tendons et à pratiquer le Qi afin de garder vos tendons et vos fascias souples et flexibles. Un vieux proverbe chinois dit : « Un tendon plus long d'un pouce signifie dix ans de vie en plus. »

Le taijiquan et le yoga ont donc des bienfaits similaires, la principale différence étant que les mouvements du yoga consistent principalement en des étirements, tandis que le taijiquan est à l'origine un art martial, en particulier celui de style Chen, qui met l'accent à la fois sur l'attaque et la défense, et équilibre toujours le yin et le yang.

JC: Que signifie « énergie » dans le taijiquan ?

孙:是指内在的力量。它要把外部的力量卸掉,转换成内劲。比如,我们练内气,不是空气的气,是炁。这个炁是由我们的呼吸的空气转化而来的,然后再转化为劲,是有个习练的过程的。呼吸的空气进入我们的肺,但是进不了丹田的。

现在家传的功夫和外面传的功夫不一样的是,家传的会有古老的完整的体系。现在学院派和外面练的,只要不是家传的,都没有这个。这个呼吸的气,要转换到炁, 再转换为内劲,把外力卸掉,用内气催动身体去发力,才能达到懂劲的巅峰。

外力就是蛮力,拙力。如果我们用棒子去敲打,这个是外力。可是,内力就如用子弹引火线的一瞬间,能爆发出很大的力量。

這個「力量」是指內在的力量──它要把外部的力量卸掉,轉換成內勁。我們太極拳練內氣,不是空氣的氣,是炁;這個炁是由我們呼吸的空氣轉化而來,然後再轉化為勁,是有個習練的過程的。如果只是呼吸的空氣,它能進入我們的肺,但是進不了丹田的。

SP: Il s'agit de la force intérieure. C'est une sorte de force qui peut absorber les forces extérieures (forces physiques incontrôlées et non coordonnées) et les transformer en puissance interne. Lorsque nous pratiquons le Qi interne, une énergie est dérivée de l'air que nous respirons,  convertie en puissance explosive. Ce processus nécessite un entraînement intense, car l'air que nous respirons n'entre que dans nos poumons, et non directement dans notre  dantian (ou centre énergétique situé sous le nombril, où se produit la conversion de l'air en Qi).

La différence entre les arts martiaux transmis au sein d'une famille et ceux enseignés à des étrangers réside dans le fait que les premiers disposent d'un système conventionnel et complet. De nos jours, la plupart des écoles d'arts martiaux, à moins d'être familiales, n'enseignent pas le Qi. Le souffle doit être converti en Qi, puis en énergie interne capable d'absorber la force externe. Ce n'est qu'après avoir appris à utiliser l'énergie interne pour propulser le corps et lui permettre de bouger avec force que l'on peut véritablement saisir l'essence de l'« énergie ».

La force externe est une force non maîtrisée ou une utilisation non coordonnée de la force. Par exemple, utiliser un bâton pour frapper quelque chose est une force externe. Par contre, utiliser la force interne revient à tirer une balle, ce qui peut libérer une puissance immense en un instant.

JC: Quel conseil donneriez-vous aux débutants en taijiquan ?

孙:武术,艺术都是没有国界的,大家都可以练。男女之间没有什么差异,最重要的是真心喜欢。

刚开始练的是架式,练熟了以后,要练力量和动作,最后练的是心,就是心境的提高。刚开始可能是想养生,健身,后来也许是防身,自卫,最后发现练的是心境。尽量看书。我平时看中国历史,文化方面(比如周易)。中文说文武不分家。

最后,返璞归真,进入忘我的境界,就是练成了。

(SP) : Les arts martiaux, comme tout art, sont sans frontières, tout le monde peut les pratiquer. Il n'y a pas de différence entre les sexes, il suffit simplement d'aimer sincèrement cette pratique.

Au début, vous pratiquez les formes. Une fois que vous les maîtrisez, vous vous concentrez sur la force et les mouvements. Enfin, vous cultivez l'esprit, c'est-à-dire l'élévation de votre état mental. Au début, vous pratiquez peut-être pour votre santé et votre forme physique, puis peut-être pour l'autodéfense, mais finalement, vous réalisez que vous cultivez votre état mental. Essayez également de lire davantage. Je lis généralement des ouvrages sur l'histoire et la culture chinoises (comme le I Ching). Un proverbe chinois dit : « Les arts martiaux et la littérature sont indissociables. »

Enfin, vous pouvez dire que cet art vous appartient véritablement lorsque vous revenez aux bases sans être conscient des formes.


Inde : les gardes forestières bravent tous les défis pour protéger la faune sauvage

Mon, 24 Nov 2025 15:49:33 +0000 - (source)

5 000 employées de première ligne travaillent actuellement dans les forêts en Inde

Initialement publié le Global Voices en Français

Les Van Durgas : Priyanka Bharali, Rashmi Bora, Dipanjali Boraik, et Mitali Boruah, de gauche à droite. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Article co-écrit par Tanuj Dhar.

Alors que l'aube pointe en un froid matin d'automne dans les jungles du district de Sonitpur, dans l'État d’Assam, au nord-est de l'Inde, un léger bruit venant de dehors réveille Priyanka de son sommeil agité. Elle distingue à peine au loin les appels de détresse des langurs apeurés. N’étant pas habituée à vivre au cœur d’un parc national, elle ouvre soigneusement la porte pour éviter de réveiller ses collègues.

Priyanka in front of King Cobra Camp in Agoratoli range of Kaziranga National Park. Image by Arpita Das Choudhury

Priyanka devant le camp de « King Cobra » situé dans les collines d'Agoratoli, au sein du parc national de Kaziranga. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Dans la faible lumière du matin, elle est surprise de voir deux tigres sur la colline tout proche de leur campement, où ils avaient probablement passé la nuit. « Voici à quoi ressemble la vie dans la jungle, » déclare la jeune femme de 23 ans, lorsqu’elle rencontre Global Voices dans le parc national de Kaziranga, juste deux mois après l’incident. Priyanka Bharali est originaire du village de Garbhanga, dans le district de Sivasagar qui fait partie de l’État d’Assam.

Mitali before embarking on her patrolling duty to the deep jungle. Image by Arpita Das Choudhury.

Mitali, avant de partir en patrouille dans la jungle. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Lorsque dans un journal local Mitali Boruah remarque une annonce de recrutement pour des femmes gardes forestiers, elle s’empresse de postuler, aspirant depuis toujours à une carrière qui lui permettrait d’être proche de la nature. « Le processus de sélection était très rigoureux, mais j’étais prête à surmonter tous les défis qui se présenteraient, » explique la jeune femme de 27 ans, originaire du village de Gharmara, dans le district de Lakhimpur. Mitali fût par la suite sélectionnée pour devenir l’une des 5 000 employées de première ligne qui travaillent actuellement dans les forêts indiennes.

Rashmi in the Agoratoli core entry checkpost doing her additional duty. Image by Arpita Das Choudhury.

Rashmi au poste de contrôle central d'Agoratoli. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Travailler pour le parc national de Kaziranga

Le parc national de Kaziranga couvre 430 kilomètres carrés et s’étend des collines de Karbi Anglong dans le sud jusqu’au fleuve Brahmapoutre dans le nord. La route nationale 37 traverse ses cinq massifs montagneux (Burhapahar, Bagori, Kohora, Agoratoli, et Biswanath), résultant en de fréquents affrontements entre humains et animaux.

The one horned rhino in the grasslands of Kaziranga National Park. Image by Arpita Das Choudhury.

Rhinocéros Indien à une corne dans les prairies du parc national de Kaziranga. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Le dernier cas de braconnage recensé à Kaziranga, habitat naturel du rhinocéros indien à une corne, remonte à 2021.

« Ces jeunes femmes ne sont pas recrutées spécifiquement pour attraper des braconniers, mais si elles remarquent tout personne suspecte dans le parc pendant la journée, elles doivent informer tout de suite le bureau des rangers, » explique Suniya Pegu.

Selon Dipanjali, « les rondes commencent à 5 heures du matin, durant lesquelles nous inspectons des endroits spécifiques à la recherche d’indices d’animaux morts ou de braconnage. Plus tard, nous patrouillons, armées de mitrailleuses, le long des clôtures jusqu’à parfois 22 heures. »

Sonali Ghosh, directrice de terrain du parc, explique à Global Voices : « Elles sont affectées aux camps les plus vulnérables et reçoivent la même formation que les hommes. Par ailleurs, elles contribuent à la prévention du braconnage auprès des villageoises, qui sont souvent impliquées dans les réseaux de braconniers. »

Bidyut Borah ajoute : « Bien qu’elles ne se soient pas encore retrouvées face à face à des braconniers, elles mènent des opérations de surveillance à l’intérieur du parc afin de les empêcher d’y pénétrer. »

Rashmi Borah, 27 ans, devenue garde forestier peu après s’être mariée à Jorhat, témoigne : « Je ne me serais jamais imaginée patrouiller dans la jungle avec un fusil. Au début, l’arme était lourde et mes mains tremblaient lorsque je tirais car je craignais de manquer ma cible. Mais je m'y suis finalement habituée. »

Dipanjoli in front of King Cobra Camp, where the guards reside inside the jungle core. Image by Arpita Das Choudhury

Dipanjoli, devant le camp « King Cobra », au coeur de la jungle et où les gardes résident. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

« Lorsque que j’ai postulé pour cet emploi, ma famille s’y est tout de suite opposée, disant que c’était un travail d’homme et il a été difficile de la convaincre, » déclare à son tour Dipanjali Boraik, 21 ans et originaire du district de Jorhat. Mais au final, sa famille lui a donné leur soutien total.

Filles de paysans, Priyanka Bharali, Mitali Boruah, Rashmi Borah, et Dipanjali Boraik ont rejoint le groupe des « Van Durgas » (ou « Déesses de la forêts ») du parc national de Kaziranga au mois d’août 2023.

L'attrait de la forêt

« Les bruits de la jungle me fascinaient, alors je me suis fixée comme objectif de relever tous les défis liés à la vie dans la forêt et à mon travail, » explique Mitali.

« Elles ont été formées au 11ème bataillon de police d’Assam à Dergaon, mais elles n’étaient pas habituées à vivre dans la jungle, » explique Suniya Pegu, responsable des « Van Durgas » de la zone d’Agoratoli situé à l’est du parc, qui s’étend entre des districts de Golaghat et Nagaon dans l’État d’Assam. Elle ajoute qu’elles ont été entraînées au combat, aux situations d’urgence, à rester en bonne condition physique, à l’utilisation d’armes, au tir, et à effectuer des exercices de nuit.

The girls discussing their division of zones for patrolling duty. Image by Arpita Das Choudhury.

Les femmes discutent de la répartition des zones de patrouille. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Affectée au camp « King Cobra », Dipanjali était terrorisée par les serpents : « Ils sont partout, sauf en hiver. En été et durant la saison des pluies, nous faisons très attention lorsque nous nous déplaçons. Notre campement est construit sur pilotis, mais l’aire de baignade, prisée par les jeunes serpents, est à même le sol. » Au départ, elle était terrifiée, mais s’est peu à peu habituée.

« Elles sont très courageuses. Vivre dans la jungle était une expérience entièrement nouvelle pour elles, » déclare Bidyut Bikash Borah, officier des opérations du champ de tir d’Agoratoli. « Au début, elles étaient très nerveuses, mais elles se sont vite adaptées et exercent maintenant leurs missions sans problème. »

Elle ajoute qu’en plus de les former à différentes méthodes de conservation, « nous leur enseignons régulièrement de nouvelles techniques telles que la manipulation de serpents, l’observation des oiseaux, et l’identification d’arbres et de plantes. »

Mitali and Dipanjoli on field. Image by Arpita Das Choudhury.

Mitali et Dipanjoli sur le terrain. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Pour Rashmi, quitter son mari et sa famille à Jorhat pour venir travailler à Kaziranga n’a pas été facile : « J'ai sélectionné garde forestier comme premier choix sur mon dossier de candidature. Ce fût une décision difficile à prendre après m’être mariée, mais j’ai finalement décidé d’intégrer les Van Durgas. »

Reconnaissant leur courage, Sonali Ghosh, directrice de terrain du parc, explique à Global voices lors d’un entretien téléphonique : « La plupart viennent de régions rurales et d’autres de villages situés près du parc. Elles possèdent donc déjà une certaine connaissance du terrain et grâce à un entraînement rigoureux, elles ont pris davantage confiance en elles. »

Les camps du parc sont équipés de panneaux solaires, et le personnel doit rationner leur consommation d’énergie afin d’éviter les coupures d’électricité. « La nuit, nous entendons les animaux s’approcher de nos chambres mais nous ne pouvons pas allumer les lumières de peur de les effrayer, alors nous restons silencieuses. Nous gardons toujours nos torches avec nous en cas d’urgence, » raconte Priyanka.

Le devoir au-delà des obstacles

Inside the jungle on Elephant back. Image by Mitali Boruah.

Sur le dos d'un éléphant, dans la jungle. Image de Mitali Boruah. Utilisée avec autorisation.

Rashmi et Priyanka, qui ont été poursuivies de nombreuses fois par des rhinocéros et des éléphants lors de leurs patrouilles à bord de véhicules, témoignent : « Des intrusions fréquentes peuvent rendre les animaux agressifs. Nous restons donc très vigilantes dans la jungle et parfois tirons des balles à blancs pour les effrayer. »

Kaziranga est réputé pour ses pluies torrentielles qui provoquent des dégâts importants lors de presque chaque mousson.

D’après Mitali, « pendant les inondations, les routes menant aux camps sont impraticables, l’électricité est coupée, et l’eau potable se fait rare. Même les animaux comme les tigres se mettent à l’abri dans les hauts-plateaux, près de notre camp. »

« Nous marchons pieds nus à travers les zones inondées pour aider les mamans rhinocéros et leurs petits à traverser les routes immergées, » explique Dipanjali. « Nous demandons aussi aux conducteurs de ralentir pour éviter de graves accidents. »

Les gardes utilisent des canots pneumatiques pour naviguer à travers la jungle inondée. « Si un animal est en détresse, nous essayons de le guider en maintenant nos distances, » dit Suniya.

The Van Dugas on the patrolling duty at night accompanied by a male forest guard. Image captured on GPS camera.

Les Van Durgas accompagnées d'un garde forestier durant une patrouille nocturne. Image prise à l'aide d'une caméra GPS. Utilisée avec autorisation.

Ghosh fait l’éloge de leur détermination : « Elles doivent faire face à des conditions difficiles lors d'inondations. »

Durant les pluies diluviennes, les hauts-plateaux sont submergés, et les rhinocéros, ainsi que d’autres animaux, se déplacent vers des zones plus élevées dans les collines de Karbi Anglon, de l’autre côté de la route nationale.

Ghosh explique que « lors des inondations du mois de Juillet 2024, la circulation sur la route nationale 715, qui longe la partie sud du parc, est devenue chaotique. Les efforts des gardes forestières pour contrôler la circulation, guider les animaux en toute sécurité à travers les neuf corridors du parc, sauver des animaux en détresse, tout en poursuivant leur lutte contre le braconnage, ont permis d'atteindre le nombre le plus bas jamais enregistré de décès d'animaux provoqués par l'homme. »

Les agents et les communautés locales couvrent d'éloges les jeunes femmes pour surmonter tous les obstacles qui se présentent à elles. « Elles sont des rôles modèles. Travailler dans ces conditions est très difficile, et nous devrions tous nous inspirer de leur courage, » termine Bidyut Borah.


Une révolte mondiale de la Génération Z : la jeunesse africaine se mobilise contre la corruption et le néocolonialisme 

Mon, 24 Nov 2025 15:45:59 +0000 - (source)

Les jeunes se voient de plus en plus victimes d'injustice à l'égard des puissances coloniales qui exploitent les ressources sans reconnaître les crimes passés.

Initialement publié le Global Voices en Français

Protesters in Madagascar raising the ‘One Piece’ skull and cross bones, with an adapted Malagasy hat.

Manifestants à Madagascar brandissant la tête de mort du dessin animé ‘One Piece’, personnalisé d'un chapeau malgache.  Capture d'écran de la video ‘Le président de Madagascar fuit le pays alors que la génération Z manifeste’ téléchargée sur YouTube par Channel 4 News. Utilisée avec permission.

Par Jessica Northey et Narda Natioranomena 

A travers le continent africain, de Madagascar jusqu'au Maroc, les jeunes gens nés entre la fin des années 90 et le début des années 2000, connues sous le nom de Génération Z, descendent dans les rues pour réclamer une justice sociale et se faire entendre.

Au début du mois de septembre 2025, des manifestations de la génération Z ont éclaté à Madagascar, initialement axées sur les coupures de courant persistantes et les pénuries d'eau qui ont frappé le pays pendant des mois. Cela s'est rapidement étendu à un ciblage de la corruption, des inégalités galopantes, du manque de sécurité alimentaire et plus tard des appels à la destitution du président. Le  12  octobre, quand il est devenu clair que la colère à son égard mettait sa vie en danger, le Président Andry Rajoelina a disparu. Il aurait ensuite voyagé via l’île de La Réunion pour se rendre à Dubaï.

Les mobilisations pacifistes, organisées sur les réseaux sociaux, ont été violemment réprimées par les autorités, entraînant la mort de 22 personnes, selon l'ONU.  Un conseillé proche du président, ayant parlé à TV5 Monde, réfute le fait qu'il y ait eu le moindre décès, au grand désarroi des manifestants, qui ont accusé le gouvernement de mentir.

Inspiré par des manifestations similaires menées par des jeunes au Népal, le mouvement génération Z de la jeunesse malgache utilise le même symbole de la tête de mort issue du manga japonais « One Piece », personnalisé d'un chapeau malgache. Les contestataires ont défilé en masse dans la capitale, les grandes villes et en diaspora à travers le monde.

Des besoins réels

Simultanément, au Maroc de nombreuses manifestations de jeunes gens ont éclaté mi-septembre, centrées sur les services de santé inadéquats et négligents, un manque d'enseignement et la corruption. Pourquoi ces mouvements révolutionnaires de la génération Z se sont-ils enflammés maintenant ? Et ont-ils un lien?

A Madagascar, il existe depuis longtemps un mécontentement à l'égard du président et de son cercle d'élites extrêmement riches. Richesse apparente et croissance économique sont évidentes partout dans le pays, avec de nouvelles constructions, des gratte-ciel, et de gros SUV encombrant les rues de la capitale, là où la majorité des gens marche sur des trottoirs inexistants. Les jeunes ont critiqué un nouveau stade de foot et ce qui est largement considéré comme un téléphérique mal conçu et très coûteux dans la capitale, malgré une pénurie importante d'eau et d’électricité.

La découverte de minéraux essentiels, de nouvelles mines et de nouvelles ressources à travers le pays atteste des richesses dans les eaux et les sols malgaches. Des saphirs, de l'or, du granite et du cobalt à la vanille, aux litchis, au cacao et au café, Madagascar est de plus en plus riche en ressources naturelles.

Pourtant le malgache moyen est plus pauvre aujourd'hui qu'il y a 20 ans.  Soixante quinze pour cent de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, et les compagnies internationales qui exploitent ces ressources semblent souvent peu se soucier de l’environnement naturel de Madagascar. Le president a provoqué encore plus d'indignation en raison de son décalage avec la vie de la majorité lorsqu'il a justifié des inégalités flagrantes dans son interview avec  TV5 Monde Journal Afrique, déclarant que les pauvres des zones rurales de Madagascar étaient « néanmoins heureux. »

Dans le cas du Maroc, le récent décès de huit femmes lors de leur accouchement a déclenché les premières manifestations. S’organisant également via les réseaux  sociaux, les jeunes ont manifesté pendant plusieurs jours, pointant du doigt l'énorme expansion des stades de foot, alors que les femmes et les jeunes sont marginalisés, et leurs parents privés de soins de santé décents.

Ils réclament des services de base, notamment dans le domaine de la santé et l'éducation, et la fin de la corruption, qui selon eux touche tous les niveaux de l'administration publique. Tout comme à Madagascar, ils expriment leur amour pour leur patrie et leur profond attachement à la liberté d'expression.

Refusant d'être sacrifiés pour des infrastructures footballistiques, ils protestent dans les rues, tout en se soutenant les uns les autres. Les médecins bénévoles soignent les manifestants blessés, les avocats représentent les victimes gratuitement, et les communautés fournissent de la nourriture, dans un contexte de risques graves de représailles et de violence de la part de l'état. Les manifestations aux deux extrémités du continent africain présentent des similarités frappantes.

Passés coloniaux

Une des causes majeures à Madagascar est certainement évidente. Bien que les médias français et internationaux puissent négliger la question, l'aborder de façon transparente pourrait avoir un impact significatif à travers l'Afrique et au-delà. En 2009, quand Andry Rajoelina, alors maire de la capitale, a lancé son premier coup d'Etat, il l'a fait tout en se réfugiant à l’ambassade de France. En 2014, cinq ans plus tard, il a été naturalisé citoyen français. Depuis son putsch en 2009 et son arrivée à la présidence de Madagascar en 2018, il y a eu un afflux d'entreprises et d'influence françaises sur l'ancienne colonie française.

Outre de nombreuses irrégularités lors des élections présidentielles de 2023, avec des manifestants emprisonnés et l'opposition harcelée, Rajoelina, en tant que président de Madagascar, n'est pas autorisé à avoir la nationalité française, selon l'article 46 de la constitution. Qu’une ancienne puissance coloniale puisse être de retour dans un pays indépendant est insoutenable pour la jeunesse africaine.

Le sang a coulé à Madagascar en 1947 quand une rébellion anticoloniale a conduit à une répression brutale à travers le pays. Similaire aux atrocités commissent en Algérie à la fin des années 50, l'armée française a perpétré des violences de masses à Madagascar entre 1947 et 1949. Ce qui inclut exécutions, torture, viols, la destruction de villages entiers, et la pratique horrible consistant à jeter d'un avion des prisonniers malgaches vivants, connue sous le nom de « vols de la mort. »

Le nombre de victimes est difficile à confirmer, mais selon certaines estimations 100,000 Malgaches auraient été tués, contre quelques centaines de ressortissants français. Cette brutalité et ces cicatrices indélébiles sont documentées dans des films tels que « Tabataba » de Raymond Rajaonarivelo  et des romans tels que « Mitaraina ny tany, » (« The Earth is Lamenting »), de Andry Andraina  et dans le cas de l'Afrique du Nord, dans le film de Gillo Pontecorvo « The Battle of Algiers. »

Aujourd'hui, 65 ans après l'indépendance, la population malgache a demandé, bien que respectueusement et pacifiquement, que la France reprenne son président français, juste avant qu'il ne quitte le pays à bord d’un avion militaire français. La France porte sa part de responsabilité en ce qui concerne la crise malgache de 2009, et pour celle-ci. Prendre le temps de la réflexion sur ce sujet pourrait amener les pays européens à une introspection plus profonde.

L'échec des systèmes éducatifs français et européens d'aborder honnêtement les passés coloniaux fait parti d'un problème systémique d'injustice internationale et d'un contrôle oligarchique sur nos médias et les ressources mondiales. Cette amnésie alimente, aujourd'hui, la montée en puissance de l’extrême droite européenne, perpétue l'exploitation et la destruction d'anciennes colonies, et accentue nos inégalités collectives mondiales et les crises écologiques.

Bien que des points communs aient été identifiés, le facteur colonial a été largement ignoré. A travers l'Afrique, les jeunes gens ressentent un sentiment grandissant d'injustice, alors que d'anciennes puissances coloniales continuent d'exploiter les ressources, l'économie et les populations sans aucune reconnaissance des crimes passés et aucune prise de responsabilité pour ceux qui perpétuent cet héritage. Cela ne nuit pas seulement à l'Afrique et aux anciennes colonies à travers le monde, mais sous-estime le malaise constant, ce qu'Alistair Horne a décrit comme un héritage « empoisonné » par la violence et les inégalités en Europe et chez ses partenaires coloniaux.

La majorité de la jeunesse africaine et mondiale, de Madagascar jusqu'au Maroc, des Philippines jusqu'au Népal, s'est soulevée contre ces inégalités criantes et réclame une justice sociale. Alors qu'ils nous ouvrent les yeux sur une réflexion beaucoup plus profonde sur les effets persistants du colonialisme au 21e siècle, et quelques soient les phases de transition qui suivront, ils méritent notre soutient le plus total.

Jessica Northey est chercheuse en études de la paix à l'université de Coventry en Angleterre. Narda Natioranomena est une chercheuse indépendante et enseignante basée à Madagascar.

En RDC, une pollution des eaux attribuée à une exploitation minière chinoise

Mon, 24 Nov 2025 08:27:12 +0000 - (source)

Plusieurs entreprises minières en majorité chinoises exploitent les mines sans prendre en compte les normes environnementales.

Initialement publié le Global Voices en Français

Une partie des eaux polluées qui sont déversées dans la ville ; Capture d”écran de la chaîne YouTube de Triomphe TV

Un territoire riche en minerais rares peut être une aubaine pour l'économie d'un pays, comme c'est le cas de la RDC. Mais cela peut aussi être une malédiction pour les populations locales qui vivent sur de tels territoires qui attisent les convoitises de groupes rebelles, ou d'investisseurs étrangers qui ne respectent pas toujours les normes de protection de l'environnement.

Le 4 novembre 2025, le bassin de rétention de l'entreprise minière Congo Dongfang Mining (CDM), entreprise filiale de Zhejiang Huayou Cobalt Ltd, exploitant le cuivre et le cobalt dans la ville de Lubumbashi, deuxième ville de la RDC, dans la province du haut Katanga au sud-est de la RDC a cédé. Les eaux ont déversé des contenus hautement toxiques de l'un des bassins de rétention polluant l'environnement et les rivières.

Suite à la rupture du bassin, les tranchées longeant les avenues des banlieues de la ville se sont remplies d'eau acidulée, puis ont débordé et inondé les maisons voisines de l'entreprise minière et les artères. Les inondations ont atteint ensuite le marché appelé “Moïse Katumbi” forçant certains commerçants à cesser leurs activités. La circulation est devenue quasiment impossible. Alain Kozongo, habitant du quartier Kasapa près de l'usine, raconte à Global Voices.

La société chinoise profite souvent de la pluie pour nous vider ses eaux. Mais c'était étonnant de constater les inondations des routes dans une journée sans pluie.

Dans les heures qui ont suivi cet incident, des espèces aquatiques mortes sont apparues sur les rives de la rivière Lubumbashi. Suite à ce scandale environnemental, des ONG comme Resource Matters ont appelé à des sanctions sévères contre un acte qualifié de crime contre la population et l'environnement:

Selon des témoignages des populations, l'entreprise chinoise aurait créé plusieurs canaux qui traversent les murs de la partie sud de sa concession pour se débarrasser de grandes quantités d’eaux de rétention qui regorgent de bassins d'acides. Ces quantités d'eaux se répandent dans les communautés voisines et créent souvent des dégâts que l’entreprise semble ignorer totalement. Sous anonymat, un habitant témoigne :

Depuis 2012 à chaque saison pluvieuse les populations des quartiers Kasapa, Kamisepe et Kamatete dans la commune annexe (commune rurale de Lubumbashi) ont toujours été victimes des inondations et des effondrements de leurs maisons suite aux débordements des eaux. Elles ont toujours pointé du doigt l'Entreprise minière en l'accusant de s'appuyer sur le moment des pluies pour dégager les eaux de ses rétentions et souvent pendant les pluies nocturnes.

En 2020, l'ONG Afrewatch avait alerté plusieurs fois l'entreprise minière et les autorités afin qu'elles prennent  leurs responsabilités pour protéger l'environnement et les communautés voisines de l'entreprise chinoise.

Cependant, l'entreprise chinoise réfute toute responsabilité. A ce jour, aucune solution préalable de la part des autorités politiques n'a été proposée pour résoudre le conflit entre l'exploitant chinois et les communautés voisines.

Une ville en alerte

Cet incident technique a libéré une eau contenant plusieurs millions d’électrolytes. Plusieurs autorités provinciales, à l'exemple de Matin Kazembe Shula, gouverneur intérimaire de la province du haut Katanga et Lucien Lumano, ministre des mines, tout comme le maire de la ville  Patrick Kafwimbi se sont aussitôt empressés chacun à leur tour à l'entreprise CDM pour s'enquérir de la situation sur place.

Le constat est sans appel: les populations sont exposées à de graves risques sanitaires liés à la contamination du sol, du sous-sol et des eaux souterraines.

Les eaux de puits dont se servent ces populations sont remplies de nappes d'eau polluées. Quatre jours après le passage des eaux d'acide dans sa parcelle, Aziza Muna, une sexagénaire, affirme à Global Voices :

Le puits que j'ai dans ma parcelle, c'est une survie pour moi et ma famille, car je suis pauvre et je n'ai pas le moyen de m'offrir l'eau du robinet. Maintenant mon puits est inondé d'eaux d'acide de l'entreprise. Que dois-je faire?

Des conséquences environnementales sur le long terme

Pour Dickson Kabange, expert et chercheur en environnement, cet incident a de graves conséquences, comme il l'explique à Global voices:

C'est un crime environnemental parce que ces eaux toxiques sont chargées de masses de métaux lourds, notamment de plomb et d’arsenic. Il y a donc érosion des écosystèmes et disparition d'espèces aquatiques, de plus les populations sont exposées à diverses maladies […] dans les jours à venir si l'état ne prend pas les dispositions préventives, il y aura des morts.

À cause de la pauvreté qui touche les riverains, certains avouent manger des plats cuisinés sur la base de poissons ramassés morts dans le lit de la rivière. Patrick Tshimanga se confie à Global Voices:

J'ai ramassé au bord de la rivière environ septante tilapias et quarante-cinq poissons-chats. J'ai mangé avec ma famille une partie et j'ai vendu aussi l'autre partie […] oui on nous a dit que c'est toxique, mais ce jour-là je n'avais rien à nourrir la famille.

Dickson Kabange indique que ce qui a fait mourir le poisson peut aussi tuer l'homme qui mange de tels poissons.

Pour prévenir le danger, les appels se sont multipliés dans la ville pour inciter les populations à se méfier de la consommation ds poissons des rivières de Lubumbashi, allant jusqu'à interdire la consommation des eaux de ces rivières. De plus, l’impact de cette inondation toxique des eaux polluées n’épargne pas les activités agricoles et atteint les cultures vivrières.

Les ONG réclament des sanctions sévères

Plusieurs organisations de la société civile ont tour à tour dénoncé cette pollution dans leurs communiqués de presse. Elles exigent de la part des autorités congolaises des sanctions sévères contre l'entreprise CDM afin de servir d'exemple aux entreprises polluantes dans les provinces du haut Katanga et du Lualaba (situé au sud du pays) où se confine la majorité des sociétés minières.

L’ONG Ressource Matters regrette que des cas similaires soient déjà documentés dans la région: “malheureusement sous l'œil impuissante des services étatiques environnementaux et des négligences avérées des entreprises minières”.

De même, l'ONG Justicia Asbl sollicite une intervention du procureur général de la République pour engager des poursuites contre les responsables de CDM pour négligence et déversement de substances toxiques dans la nature.

Par ailleurs, le ministre national des mines Louis Wantum qui s'est dépêché de la capitale Kinshasa à Lubumbashi, a tenu, le 6 novembre 2025, une réunion dite de clarification avec les services techniques provinciaux de son ministère et les responsables de l’entreprise CDM, et annonce que:

« J'ai pris ma décision de suspendre toutes les activités minières de la  société CDM, pour une durée de trois mois dans un premier temps. Et si c'est nécessaire, nous allons prolonger cette période ».

Plusieurs entreprises minières en majorité chinoises exploitent le cuivre et le cobalt sans prendre en compte les normes environnementales.

Le drame de DCM n’est donc pas unique, car dans les provinces du Lualaba, du Haut Katanga ou du Tanganyika, les communautés sont prises entre l’appétit minier et l’indifférence des autorités. Dans ce contexte de transition énergétique, l'exploitation des ressources devrait s'accompagner d'un mécanisme effectif de justice environnementale.

Le 22 novembre 2025, Guillaume Ngefa, Ministre de la justice et garde des sceaux, annonce l'ouveture d'une enquête pour identifier les responsabilités et engager des poursuites prévues par la loi.


COP 30: le RADD porte haut la voix des femmes camerounaises depuis les forêts

Mon, 17 Nov 2025 21:18:12 +0000 - (source)

La COP 30 met un accent particulier sur la forêt qui constitue le poumon de la terre.

Initialement publié le Global Voices en Français

En image, la forêt d'Ebo, située dans la région du Littoral au sud ouest du Cameroun ; capture d'écran de la chaîne YouTube de France 24

Loin des grandes rencontres et conférences mondiales sur le changement climatique, certaines communautés vulnérables paient le prix fort des impacts climatiques. Elles allient souvent innovation et détermination pour pouvoir s'adapter.

Du 10 au 21 novembre 2025, différents acteurs impliqués dans la lutte contre le changement climatique participent à la trentième édition de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 30) à Belém au Brésil. Ils se sont réunis pour discuter de l’avenir climatique du monde. Plusieurs initiatives qui peinent toujours à voir le jour seront encore annoncées lors de grands discours et débats. Sur le terrain, ce sont les populations pauvres qui luttent et jouent la carte de leur survie face aux manifestations quotidiennes du changement climatique.

Tandis que la COP 30 se tient aux portes de la forêt d'Amazonie, l'importance de la préservation des forêts mérite d'être mise en avant. Dans ce contexte, le Réseau des Acteurs du Développement Durable (RADD), une organisation basée au Cameroun fait vivre, le 17 novembre 2025, une expérience unique aux femmes au travers d’une immersion en forêt dans ce pays où la couverture forestiere occupe plus de 40% du territoire. Marie Crescence Ngobo, Secrétaire exécutive de ce réseau qui œuvre pour un développement inclusif et durable, et lutte pour la souveraineté des peuples dans la gestion de leurs ressources, explique à Global Voices les motivations derrière cette initiative.

Jean Sovon (JS): Qu’est-ce qui a inspiré le RADD à organiser cette immersion en forêt, et comment cette expérience s’inscrit-elle dans votre vision du développement durable et de la préservation de la nature ?

Marie Crescence Ngobo (MCN) : Pour comprendre ce qui nous a inspiré à organiser cette immersion en forêt, il faut aller chercher dans les origines du RADD et son parcours. Le RADD naît de la volonté des jeunes de pérenniser le projet ‘Kids For Forest’, initié dans le Bassin du Congo par Greenpeace International en 2009. ‘Kids For Forest’ a été un projet de plaidoyer qui permettait aux jeunes de se mobiliser dans leur pays pour demander aux décideurs de protéger et de gérer les forêts tout en pensant aux générations futures. Au terme du projet, les jeunes ont créé le Réseau des Acteurs du Développement Durable (RADD) pour continuer à promouvoir les idéaux du fondés sur la gestion durable, équitable et inclusive des ressources naturelles et particulièrement des forêts. Sur la base de cette vision, le RADD devait trouver des acteurs stratégiques capables de porter et d'incarner des missions de développement durable et inclusif. Les femmes, de part leur relation avec la nature, la terre et la forêt, sont les plus indiquées pour jouer ce rôle.

A travers l'imprégnation dans la forêt, le RADD revient à ses missions originelles qui consiste à s’investir pour garder et protéger les forêts. Nous sommes dans le bassin du fleuve Congo, et cette année la COP 30 a mis un accent particulier sur la forêt qui constitue le poumon de la terre. La nécessité de préserver les forêts est encore plus pressante. Malheureusement, la modernité, le colonialisme, les industries extractives, les agroindustries, l’extraction de mines, les barrages et autres grands projets qui dévastent les forêts travaillent à éloigner la femme, et les jeunes de toute la richesse que regorge la forêt en leur ôtant toute volonté de contribuer à sa conservation. Cette immersion va renouveler l’alliance des femmes du bassin du Congo avec la forêt et inspirer leur volonté de conserver cet écosystème. On va rappeler les rôles que la forêt a toujours joué pour l’homme, et insister sur la nécessité de la préserver pour les générations présentes et futures afin d'atténuer les changements climatiques.

JS : En quoi cette activité d’imprégnation contribue-t-elle concrètement aux objectifs de la COP 30 et à la mobilisation du Cameroun pour le climat ?

MCN : En prélude à cette immersion, nous avons eu deux panels où nous avons discuté de “l’avenir du monde sans la forêt et les eaux” et du “Genre et finance climatique”. Il y a eu une soirée en forêt, une foire d’exposition des semences paysannes agroécologiques, des objets artisanaux de la forêt, marche sportive, une rencontre virtuelle avec l'équipe à Belém, une plantation de quelques arbres pour marquer notre passage à la Sanaga Beach, une projection de films documentaires et une rencontre avec les seigneurs de la Forêt.

Cette imprégnation renforce les capacités des femmes dans la compréhension et l’intégration des enjeux du climat en lien avec les forêts et forme ces femmes à s’investir dans les dynamiques d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques. Les femmes qui subissent les effets des changements climatiques peuvent proposer des solutions pertinentes qui doivent être capitalisées à la COP 30. L’Amazonie et le bassin du Congo représentent des solutions aux changements climatiques et il faut les préserver. Une bonne préservation des ces écosystèmes ne doit pas se faire sans ces femmes. Ce sont elles qui doivent apporter les solutions et non l’inverse.

Pour le Cameroun, c’est une main tendue aux décideurs afin qu’elles prêtent une oreille attentive à ce qui est fait par les femmes et les considèrent comme des acteurs de premier plan dans la rédaction et l'implémentation des plans nationaux de lutte contre les changements climatiques.

Image de Marie Crescence Ngobo ; utilisée avec permission

JS : Qui sont les personnes sélectionnées pour vivre cette expérience en forêt, et quels changements espérez-vous observer en elles après cette immersion ?

MCN : Plus de six catégories de personnes sont sélectionnées. Les femmes riveraines des agro-industries parce que les plantations de monoculture de palmier à huile, de canne à sucre ou d’hévéa ont littéralement détruit la forêt et ces femmes sont en première ligne de lutte pour l’accès à leur terre ou les forêts leur donnaient tous les moyens de vivres. Mais également les femmes des cases communautaires de semences paysannes qui sont les gardiennes de la semence locale, car sinon la forêt ne se maintient pas. Les Africains doivent renforcer leur souveraineté semencière et éloigner les semences hybrides qui sont accompagnées d'engrais chimiques de synthèse qui sont aussi une cause de changement climatique.

De même, les transformatrices de produits agricoles pastoraux et produits forestiers non ligneux (les produits issus des forêts, à l'exception du bois) qui donnent de la valeur à nos produits locaux pour concurrencer les produits manufacturés qui envahissent nos marchés et nous éloignent de nos valeurs culturelles, cultuelles et traditionnelles.

Aussi, les femmes urbaines qui ont besoin de se ressourcer afin de reprendre contact avec la mère forêt source de valeurs sur le plan alimentaire, de la santé et de l'environnement.

Les peuples autochtones ou les premiers habitants de la forêt, habiles conservateurs gardiens de cette forêt et de toute sa richesse.

Enfin, les “seigneurs de la forêt” soit un groupe de jeunes issus des forêts qui s'investissent pour sa valorisation.

JS : Comment le RADD compte-t-il capitaliser sur cette expérience ? Envisagez-vous de créer des ambassadeurs de la nature ou de nouvelles initiatives locales à partir de cette dynamique ?

MCN : Nous allons agir à plusieurs niveaux à travers le renforcement du groupe des seigneurs de la forêt qui sera présent au Hub COP 30 pour les doter de ressources afin de continuer à oeuvrer pour la protection et la valorisation des forêts. Nous prévoyons aussi d'intégrer les semences forestières dans le programme de promotion des systèmes semenciers gérés par le RADD.

JS : Quels sont les institutions qui vous soutiennent dans cet engagement ?

MCN : Au niveau local, nous avons la Convergence des Femmes Camerounaises contre les Changement Climatique (COFECCC); le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable ; et  l’Office National sur le Changement. A l'international, il y a l’AWID qui est le principal partenaire nous apporte un appui financier, technique et dans la communication; l’Africa Climate Justice Movement (ACJM), un mouvement des femmes africaines soutenu par le Global Fund for Women (GWF). Nous avons aussi à nos côtés l’Agroecology Fund et Global Voices.

Nous voulons solliciter plus d’appui pour soutenir nos initiatives et continuer par renforcer les capacités des femmes dans la compréhension des enjeux climatiques au niveau mondial. Il existe des solutions endogènes que les femmes camerounaises ont proposé, elles cherchent des partenaires pour les accompagner dans la réalisation des ces actions.

Lire : 


A l'Est de la RDC, les mines financent en partie les groupes rebelles

Sun, 16 Nov 2025 21:41:27 +0000 - (source)

La quasi-totalité des zones importantes et riches en minerais sont sous contrôle de la rébellion

Initialement publié le Global Voices en Français

Image des tentes installés sur le site de mine d'or de Kamituga dans le Sud-Kivu à l'Est de la RDC ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde Info

La crise sécuritaire s'amplifie dans les provinces de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), suite à un rapprochement qui réunit l’Alliance Fleuve Congo et le Mouvement du 23 mars (AFC/M23), deux groupes rebelles qui luttent contre le pouvoir en place.

L’AFC qui est un groupe politico-militaire inclut en son sein d'anciennes figures du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de l’ancien président de la RDC Joseph Kabila, au pouvoir de 2001 à 2019. Tandis que le M23 demeure le principal groupe rebelle.

L'union de ces deux groupes rebelles constitue un défi d'autant plus grand pour les Forces armées de la république démocratique du Congo (FARDC) car l'AFC vient augmenter les capacités militaires et logistiques de cette rebellion qui se renforce.

En janvier 2025, l’AFC/M23 s'empare de la ville de Goma et de Bukavu dans l'Est du pays et forme un gouvernement parallèle à celui de Kinshasa en faisant de la ville de Goma au Nord Kivu sa capitale. Ce gouvernement est chapeauté par Corneille Nangaa (ancien président de la commission électorale nationale indépendante), Bertrand Bisimwa et pour la branche militaire chargée des opérations dirigée par Sultani Makenga. Pour se suffire financièrement et répondre aux besoins de la guerre contre les FARDC, ce mouvement priorise l’exploitation minière. 

Selon un rapport publié le 21 octobre 2025 par Oakland Institute (groupe de réflexion basé à Oakland, en Californie) l'objectif des rebelles du groupe AFC/M23 est d’obtenir la mainmise sur les mines afin d’assurer le financement en logistique et armement. Cette stratégie est soutenue par le Rwanda qui continue de fournir un soutien militaire et logistique.

Ledit rapport invoque plus de six millions de morts, de viols, de massacres, d'actes de tortures, de déplacés qui se comptent aussi en millions. L'Oakland institute poursuit dans son rapport que le Rwanda et les groupes rebelles qu’il contrôle ont pris d'assaut plusieurs territoires riches en minerais dans les provinces du Nord et Sud Kivu imposant avec des déplacements massifs des populations locales.

La guerre des mines

La quasi-totalité des zones riches en minerais se trouvent en ce moment sous le contrôle de la rébellion, notamment la cité de Walikale, riche en coltan, or et la cassitérite (mineral composé de dioxyde d'étain) ; et la mine de Bisie, l'une des plus riches en étain au monde. La rébellion occupe également la zone minière de Rubaya, riche en coltan, et l’importante mine de pyrochlore de Lueshe. Dans le territoire de Lubero, les rebelles occupent des zones aurifères comme Musigha. Dans le Sud-Kivu, la rébellion contrôle pareillement la cité minière de Lumbishi, riche en tourmaline, coltan, or et cassitérite.

Les rebelles de l’AFC/M23 prétendent ne pas lier leurs aspirations de guerre à la cause minière, comme en témoigne leur coordinateur Corneille Nangaa, dans un point de presse tenu  à Goma dans le Nord Kivu:

nous on ne cherche pas de l'or ni moins encore d'autres minerais. Nous nous combattons pour le pays.

Suivre ici, la vidéo de ce point de presse:

Cependant, la guerre sur le front démontre le contraire. Le rapport de l’Oakland Institute insiste :

Le Rwanda commande et contrôle le M23 et lui a apporté un soutien crucial. L’objectif était bien le contrôle de sites miniers stratégiques. Le contrôle de l’AFC/M23 sur l’est de la RDC a assuré l’accès du Rwanda aux territoires riches en minéraux et en terres fertiles.

Plus loin, l’Oakland Institue ajoute :

Des sources des Forces de défense rwandaises RDF et des sources proches du gouvernement rwandais ont rapporté que l’objectif final de Kigali était de contrôler le territoire de la RDC et ses ressources naturelles […] Les experts ont identifié le Rwanda comme un important point de transit et d’exportation pour l’étain, le tantale et le tungstène congolais.

Selon le même rapport, l’AFC/M23 s’est assuré le monopole de l’exportation de coltan de Rubaya vers le Rwanda. Un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation de l'Est du Congo, publié en décembre 2024, dénonce :

« (…) collectant environ 800 000 dollars par mois grâce à la taxation de la production et du commerce de Coltan. Une augmentation sans précédent de la contrebande de coltan a été signalée et depuis le M23 a exporté frauduleusement au moins 150 tonnes vers le Rwanda en 2024 et jusqu’à 120 tonnes par mois en 2025.

Pour contrer leur source de financements, dans la nuit du 23 octobre 2025, les FARDC larguent des bombes à l’aide de drones dans une partie de l’usine de production d’or sur le site minier de Twangiza Mining placé sous le contrôle des rebelles. Cette usine produit environ 100 kg par mois.

En même temps, l’AFC/M23 est accusée d'avoir pillé plus de 500 kilos d’or dans la concession aurifère de Twangiza. La mine de Twangiza Mining était au depart détenue par un consortium canadien avant d’être rachetée par des investisseurs chinois qui ont quitté les lieux en mai 2025 à l’arrivée des rebelles. Selon l'entreprise, près de 500 kilos d'or auraient été dérobés en cinq mois par les rebelles, représentant une perte estimée à environ 70 millions de dollars américains.

L’échec des autorités congolaises sur le front diplomatique

Les autorités congolaises accusent régulièrement le Rwanda auprès des organisations internationales dont les Nations Unies, et lancent des appels à la cessation de son soutien aux groupes rebelles, notamment par le biais de l'Union Européenne.

Mais l‘accord de paix signé aux États-Unis le 27 Juin 2025 entre la RDC et le Rwanda se solde par un échec car il est boycotté par l’AFC/M23. Mais Washington ne perd pas son temps pour autant: entre mai et juillet 2025, l’Américain KoBold Métal annonce  l’acquisition de droits sur le gisement de lithium de Manono (au Sud-Est du pays) grâce à un accord d’un milliard de dollars américains avec l’australien AVZ Minerals. Le même KoBold Metal explore des ressources minérales critiques du pays avec l'aval du gouvernement de la RDC. Ces accords représentent une plus-value au nom de la facilitation de l’accord de l’administration Trump sur la guerre de l'est de la RDC.

Pourtant, et malgré l'intervention de Washington, Félix Tshisekedi, président de la RDC, reconnaît son incapacité à éradiquer la guerre. Dans son discours à la tribune des Nations unies (page 8) du 23 septembre 2025, il dit :

Je demande aux Nations Unies de veiller à la stricte application de cet Accord, désormais indissociable de la mise en œuvre de la résolution susmentionnée. Tant que ces décisions ne seront pas exécutées, le sang des innocents continuera de couler.

Dans un article du média congolais Actualité CD, Félix Tshisekedi affirme ouvertement qu'il soutiendrait la candidature de Donald Trump au Prix Nobel de la paix si le président américain parvient mettre fin à la guerre dans son pays. Il avoue :

(…) si le président Trump parvient à mettre fin à cette guerre grâce à sa médiation, il mériterait ce prix Nobel. Je serais le premier à voter pour lui.

Selon un article du média qatari Aljazeera, publié le 15 novembre 2025, les rebelles du M23 ont signé un accord cadre de paix avec le gouvernement de la RDC à Doha au Qatar. Ceci dans le but mettre fin à plusieurs années de conflits.


Comprendre le soulèvement des jeunes au Népal : des décennies de corruption atteignent un point critique

Fri, 14 Nov 2025 19:53:50 +0000 - (source)

Les manifestants de la génération Z héritiés de la démocratie durement acquise par leurs grands-parents, ont assisté à sa dégradation.

Initialement publié le Global Voices en Français

Gen Z protesters in front of Bharatpur Mahanagarpalika office, Nepal, September 2025. Photo by Himal Subedi, via Wikimedia Commons (CC-BY-SA 4.0)

Manifestants de la génération Z devant les bureaux de la municipalité de Bharatpur, au Népal. Septembre 2025. Photo de Himal Subedi, via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

Plusieurs semaines après que la police ait tiré sur une foule d’étudiants en septembre, faisant au moins 19 morts, Katmandou, la capitale du Népal, restait sous le signe de la fumée. Les rues, autrefois animées par les écoliers, étaient désormais envahies par des soldats armés.

Ce qui avait débuté comme une contestation contre l’interdiction des réseaux sociaux ne se limitait pas à TikTok ou Facebook. C’était l’expression de frustrations accumulées depuis longtemps et un face-à-face avec un siècle d’instabilité et de corruption.

Les manifestants de la génération Z au Népal ont hérité d’une démocratie pour laquelle leurs grands-parents se sont battus et ont vu, aux côtés de leurs parents, cette démocratie se défaire. Pour comprendre la colère de 2025, il faut ressasser une histoire marquée par des rois, des révolutions et des demandes incessantes de responsabilité.

Pendant une grande partie de l’histoire moderne, le Népal a été dirigé par des rois. La dynastie Rana s’empara du pouvoir en 1848, instaurant une oligarchie qui maintint le pays isolé pendant plus d’un siècle. L’accès à l’éducation était réservé à une élite, et la population népalaise n’avait que peu d’influence sur les affaires gouvernementales.

L’autocratie et le système Panchayat

Après la Seconde Guerre mondiale, inspirés par l’indépendance de l’Inde, des exilés népalais commencèrent à constituer des partis d’opposition. Une révolte en 1951, appuyée par le roi Tribhuvan, mit fin au régime des Rana et ouvrit les frontières du Népal.

En moins d’un an, le roi Mahendra dissout le parlement, interdit les partis politiques et instaure le système autocratique du Panchayat. Pendant trois décennies, le Népal fut gouverné par une hiérarchie complexe de conseils subordonnés directement à la couronne. Les opposants politiques ou toute personne contestant l’autorité royale étaient emprisonnés ou exilés. Les médias étaient strictement censurés, mais une forme de contestation subsistait néanmoins dans la clandestinité.

Le Mouvement populaire de 1990

Caption: Protest during the 1990 People’s Movement, Kathmandu, Nepal. Photo by Min Ratna Bajracharya, via Wikimedia Commons (uploaded by Biplab Anand, CC-BY-SA 4.0).

Manifestation lors du Mouvement populaire de 1990, Katmandou, Népal. Photo de Min Ratna Bajracharya, via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

À la fin des années 1980, l’économie était stagnante, la corruption gouvernementale omniprésente, et une nouvelle génération d’étudiants réclamait le changement. Après plusieurs semaines de mobilisations massives en 1990, dans le cadre du Mouvement populaire, ou Jana Andolan I, le roi Birendra accepta le retour à une démocratie multipartite.

Une nouvelle constitution institua une monarchie constitutionnelle et garantissait les libertés civiles.

Instabilité politique et insurrection maoïste

Cependant, l’euphorie céda rapidement la place à la déception. Les gouvernements se succédaient avec une grande régularité : entre 1991 et 2001, plus d’une douzaine de Premiers ministres furent nommés puis destitués. Les partis politiques se divisèrent en factions davantage soucieuses de conserver le pouvoir que d’élaborer des politiques publiques.

À mesure que les inégalités se creusaient et que les communautés rurales perdaient confiance dans des politiciens incapables d’apporter routes, électricité ou emplois, un espace s’ouvrit pour une alternative radicale. En 1996, le Parti communiste du Népal (maoïste) lança une rébellion armée réclamant la fin de la monarchie, ainsi que des réformes agraires et la justice sociale. Le conflit déclencha une grande partie des campagnes, faisant plus de 17 000 morts au début des années 2000.

Le massacre royal de 2001 et le règne de Gyanendra

Le pays fut alors confronté à un traumatisme national lorsqu'en 2001, un massacre royal a eu lieu. Le prince héritier Dipendra aurait tiré sur le roi Birendra, la reine Aishwarya et neuf autres membres de la famille royale avant de retourner l’arme contre lui-même ; il aurait été sous l’emprise de l’alcool au moment des faits.

Le roi Gynandre monta sur le trône et, en 2005, dissout le parlement en déclarant l’état d’urgence, ce qui rassembla les partis politiques d’opposition, la société civile et les maoïstes.

En 2006, lors de manifestations massives connues sous le nom de Jana Andolan II, Gynandre fut contraint d’abdiquer. En 2008, la monarchie fut définitivement abolie. Le Népal devint une République démocratique fédérale, et les anciens dirigeants maoïstes devinrent parlementaires.

La nouvelle république et la constitution

Map of Nepal showing its seven provinces. Image by SimulationWig, via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

Carte du Népal montrant ses sept provinces. Image de SimulationWig, via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

La nouvelle république suscita de grands espoirs. La première assemblée constituante fut mise en place pour rédiger une constitution garantissant la représentation des femmes, des Dalits, des peuples indigènes et des Madhesi.

Cependant, le processus dura sept ans, marqué par des conflits au sein des élites. Ce n’est qu’après deux dissolutions de l’assemblée qu’une nouvelle constitution fut finalement adoptée en 2015.

Le nouveau texte institua un régime fédéral divisant le Népal en sept provinces et prévoyait également des droits et l’inclusion. Cependant, il fut élaboré dans un contexte contesté, et de nombreux groupes marginalisés affirmèrent avoir été exclus.

Corruption politique et inégalités croissantes

Au cours des années suivantes, le pays connut une succession de coalitions composées des mêmes personnalités, dont K.P. Sharma Oli, Sher Bahadur Deuba et Pushpa Kamal Dahal, connu sous le nom de « Prachanda », qui occupèrent tour à tour le poste de Premier ministre. Tous, sans exception, affirmaient qu’ils mèneraient des réformes, mais leurs biens furent contestés ou leurs actions entachées de favoritisme et de corruption.

Avec l’augmentation de la migration, près de 14 % de la population travaillait désormais à l’étranger, et les envois de fonds étaient devenus le pilier économique du pays. Cependant, l’écart entre riches et pauvres se creusait. Les écoles et les hôpitaux des zones rurales se dégradaient, tandis que l’élite affichait de façon manifeste sa richesse.

Les réseaux sociaux devinrent à la fois une échappatoire et un miroir, un lieu où se concentraient les frustrations, alors que des hashtags tels que #NepoKids et #YouthsAgainstCorruption mettaient en lumière les privilèges de l’élite.

En 2024, l’économie népalaise était étranglée par l’inflation, le chômage des jeunes et la stagnation politique. La réponse du gouvernement ne fut pas d’améliorer la situation par des réformes, mais d’imposer de nouvelles réglementations limitant les plateformes en ligne et les éditeurs numériques.

Les manifestations estudiantines de 2025

Au début du mois de septembre, des groupes d’étudiants commencèrent à s’organiser via des applications cryptées et des réseaux hors ligne. En l’espace de quelques jours, des milliers d’étudiants défilèrent à Katmandou, Pokhara et Lalitpur.

Ils brandissaient des pancartes, telles que « Stop à la corruption, pas aux réseaux sociaux ». Beaucoup étaient des adolescents élevés avec les récits du mouvement pour la démocratie, mais n’ayant connu que d'anomalies.

Lorsque les foules se rassemblèrent devant le parlement, la police tira des gaz lacrymogènes, puis des balles réelles. Les hôpitaux furent submergés d’étudiants en uniforme scolaire. Selon les médias locaux et les organisations de défense des droits humains, au moins 19 personnes perdirent la vie. Le gouvernement instaura un couvre-feu, interrompit les réseaux mobiles et déploya l’armée.

Cette nuit-là, alors que la colère publique éclatait, le ministre de l’Intérieur démissionna. Le cabinet fit marche arrière sur l’interdiction, mais les manifestations dépassèrent rapidement Katmandou, la colère s’enflammant contre les inégalités et la corruption.

Dans le désordre qui s’ensuivit, des foules attaquèrent des bâtiments gouvernementaux et les domiciles de responsables politiques. L’ancien Premier ministre Deuba et son épouse, Arzu Rana Deuba, furent secourus par l’armée après que des manifestants eurent pris d’assaut leur résidence.

Leadership intérimaire et appels à la responsabilité

Sushila Karki at the US-Nepal Summit for Democracy, 2021. Photo by U.S. Embassy Kathmandu, via Wikimedia Commons (uploaded by Joofjoof, Public Domain)

Sushila Karki lors du Sommet pour la démocratie États-Unis–Népal, 2021. Photo de l’ambassade des États-Unis à Katmandou, par Wikimedia Commons (domaine public).

Alors que la capitale était placée sous verrouillage militaire, le président Ram Chandra Poudel nomma l’ancienne juge en chef Sushila Karki Première ministre par intérim, faisant d’elle la première femme à occuper ce poste au Népal.

Âgée de 73 ans, Karki est une ancienne juge de la Cour suprême réputée pour ses décisions anti-corruption. Sa nomination bénéficiait du soutien des représentants des jeunes ayant contribué à diriger les manifestations.

Le gouvernement intérimaire de Karki s’est félicité de son engagement à enquêter sur les tueries, à rétablir l’ordre et à organiser de nouvelles élections en mars 2026 ; reste à savoir si cela suffira à instaurer la confiance, ce qui est une toute autre question.

Continuité et espoirs : leçons de l’histoire

L’histoire du Népal a été faite de poussées suivies de stagnation : révolution, espoirs, paralysie. À chaque fois, de 1951 à 1990 puis 2006, la révolution a renversé un ancien ordre mais n’a pas su produire de changements durables.

Pour la génération Z, le défi est de savoir si ce moment pourra aboutir à une percée réelle. Le mouvement a déjà marqué l’histoire : en tenant les responsables pour compte, en plaçant une femme à la plus haute fonction du pays, et en démontrant que l’action civique reste possible dans un système fragilisé.

Les rues de Katmandou sont silencieuses, mais la tension demeure. Les étudiants continuent de veiller chaque soir en mémoire des victimes. Les murs de l’université sont couverts de graffiti proclamant : “ Si ce n’est pas maintenant, c'est pour quand? ”

Human Rights Watch et Amnesty International ont appelé à des enquêtes indépendantes sur les actions de la police et de l’armée. L’armée affirme avoir agi pour protéger l’ordre public, soulignant que de nombreux participants étaient des mineurs.

Dans ses premières déclarations en tant que Premier ministre par intérim, Karki a appelé au calme en cette période de troubles. “Le changement doit passer par les institutions, et non par le feu”, a-t-elle déclaré. Elle a toutefois reconnu que les jeunes Népalis avaient “raison d’exiger dignités et opportunités”.

Il reste à voir si ces manifestations marqueront le début d’un chemin vers la réforme ou si elles ne constitueront que le dernier chapitre de la longue histoire du Népal, faite d'espoirs et de déceptions.

Mais il y a une constante : chacun de nos mouvements depuis la chute des Rana a été mené par des étudiants convaincus que leur pays pouvait être meilleur. À cette aune, les manifestations de 2025 ne constituent en aucun cas une rupture avec l’histoire ; elles en sont au contraire une continuité.


Le rôle essentiel du maillon africain dans la chaine mondiale d'approvisionnement en véhicules électriques chinois

Fri, 14 Nov 2025 18:10:50 +0000 - (source)

L'Afrique pourrait devenir le prochain centre de distribution et de consommation de véhicules électriques le plus important au monde.

Initialement publié le Global Voices en Français

Une route à Maârif, Maroc.

Une route à Casablanca, au Maroc. Le Maroc pourrait jouer un rôle crucial dans la transition vers les véhicules électriques en Afrique. Image provenant de Wikimedia Commons. License CC BY 3.0.

Cet article a été retenu dans le cadre du Programme Global Voices Climate Justice fellowship, qui met en relation des journalistes de pays sinophones et ceux d'autres pays de la sphère mondiale pour étudier les impacts des projets de développement chinois à l'étranger. Découvrez d'autres articles ici.

Durant la dernière décennie, les constructeurs automobiles chinois comme BYD, Xpeng, Chery, Wuling, et d'autres se sont déployés de manière agressive aux Etats-Unis et en Europe. En effet il est devenu difficile pour eux d'être rentables à cause, en partie, d'une saturation excessive de leur marché intérieur et d'une féroce ambiance de guerre des prix. Dans ce contexte, Pékin a incité les entreprises chinoises à s'implanter à l'étranger et à investir les marchés internationaux par une stratégie d'innovation et de prix attractifs — notamment grâce à des produits écologiques comme les véhicules électriques (EVs).

Cependant, ces marchés ne font plus rêver les constructeurs chinois à la recherche de clients étrangers. En septembre 2024, l'ancien Président américain Joe Biden avait imposé des droits de douane de 100% sur les véhicules électriques chinois, que l'actuel Président Donald Trump a hissé à 154% en juin 2025. Dans le même temps, l'Union européenne a ouvert une enquête pour déceler d'éventuelles pratiques de subventions déloyales dans l'industrie du fait de la stratégie nationale de Pékin. De Washington à Bruxelles, les constructeurs chinois sont accusés de pratiquer le dumping sur les véhicules électriques avec des prix cassés qui déstabilisent le marché mondial. L'Union européenne a mis en place des barrières commerciales depuis octobre 2024 pour lutter contre ce phénomène

Confrontées à une forte résistance des marchés automobiles établis, plusieurs entreprises chinoises spécialisées dans les voitures électriques se tournent vers les pays du Sud et réorientent leurs stratégies commerciales vers les pays à revenus faibles ou intermédiaires.

L'Afrique est la future frontière des véhicules électriques

Dans le nouveau paysage commercial mondial, l’ Afrique n'est plus seulement qu'une pourvoyeuse de matières premières telles que le cobalt, le lithium, et les terres rares — ces minéraux convoités qui alimentent la production mondiale de batteries. C'est un marché juteux de consommation pour les constructeurs à la recherche de nouveaux clients, un marché qui émerge comme site de production et d'assemblage dans la chaine d'approvisionnement des véhicules électriques en Chine.

Pour en savoir plus : Is China responsible for the illegal extraction of mineral resources by its companies in Africa? (La Chine est-elle responsable de l'extraction illégale des ressources minérales par ses entreprises en Afrique ?)

Le premier constructeur automobile en Chine, BYD, a annoncé son intention  de presque tripler son réseau de concessionnaires en Afrique du Sud d'ici 2026. Les analystes ont qualifié cette décision de mutation rapide visant  à consolider ses parts de marché alors que les concurrents hésitent. Un autre mastodonte automobile chinois, Chery, connait aussi une expansion rapide en Afrique du Sud et au Kenya, ciblant les acheteurs de la classe moyenne avec des modèles relativement abordables.

Selon RFI, Tony Liu PDG de Chery Afrique du Sud a déclaré :

南非是通往非洲大陆的重要门户。南非有非常成熟的汽车金融体系,也有成熟的消费者,他们对售后服务有很高的期望。因此,我们实际上认为南非对我们来说是一个非常具有战略意义的国家和市场。

L'Afrique du Sud est une porte d'entrée de premier plan sur le continent africain. Elle dispose d'un système de financement automobile très développé et de consommateurs avertis ayant de fortes attentes en service après vente. De ce fait, pour nous, l'Afrique du Sud est considéré comme un pays et un marché très stratégique.

 Le Président de l'Afrique du Sud Cyril Ramaphosa visite les sièges sociaux de BYD.

Le Président de l’ Afrique du Sud Cyril Ramaphosa visite les sièges sociaux de BYD et Huawei dans la province de Guangdong lors d'un voyage en Chine en septembre 2024 et prend une photo avec un prototype de véhicule de BYD. Image tirée GovernmentZA du compte Flickr officiel du gouvernement d'Afrique du Sud. CC BY-ND 2.0

Pour faciliter la production continentale de batteries, l'entreprise chinoise Gotion High Tech construit la première méga usine africaine dédiée aux véhicules électriques à Kenitra, au Maroc. Les autorités marocaines ont salué ce projet comme une avancée positive susceptible de faire passer le pays d'une industrie d'extraction des matières premières à  une production à plus forte valeur ajoutée. Le communiqué de presse du gouvernement indiquait:

Cet investissement stratégique majeur, qui porte sur la réalisation d'un écosystème industriel complet de fabrication de batteries électriques à Kenitra, est non seulement la première « méga-usine » qui sera réalisée au Maroc, mais également la première du genre de toute la région du Moyen-Orient et de L'Afrique, consolidant ainsi la position de leader régional du Royaume dans l’industrie automobile et la transition énergétique.

Cet investissement stratégique majeur, qui porte sur la réalisation d'un écosystème industriel complet de fabrication de batteries électriques à Kenitra, est non seulement la première ‘méga usine’ réalisée au Maroc, mais aussi la première du genre dans toute la région du Moyen-Orient et de l'Afrique , consolidant ainsi la position du Royaume en tant que leader régional dans l'industrie automobile et la transition énergétique.

L'ouverture de l'usine géante The Gotion High Tech est prévue pour juin 2026, et son emplacement pourrait en faire une base d'exportation importante pour les marchés européens et africains.

Dans les pays qui ont traditionnellement entretenu des relations cordiales avec la Chine, comme le Ghana et le Kenya, les ministères chinois et les associations liées à l'État organisent activement des salons sur l'automobile avec les gouvernements africains. Les nouveaux investissements dans les usines d'assemblages et les infrastructures de recharge sont regroupés dans le cadre des « partenariats pour la mobilité verte. »

Ensemble, ces mesures témoignent d'une volonté délibérée d'intégrer l'Afrique dans la stratégie mondiale de la Chine en matière de véhicules électriques — non seulement en tant que fournisseur, mais aussi en tant que centre de distribution et base de consommateurs.

La dynamique propre à l'Afrique en matière de véhicules électriques

Pour appréhender l'ampleur de ce changement, il est important de noter que les États africains ne sont pas de simples bénéficiaires passifs de capitaux chinois. Plusieurs pays adoptent de manière proactive la transition vers les véhicules électriques.

Les résultats d'une étude régionale conduite par WowAfrica, un site d'information en langue chinoise consacré à l'investissement en Afrique , montrent que les pays africains peuvent être classés en deux catégories en fonction de leur approche vis-à-vis des véhicules électriques:

Tout d'abord, les constructeurs automobiles établis comme l'Afrique du Sud, le Maroc et l'Égypte considèrent les véhicules électriques comme un prolongement naturel de leurs secteurs actuels. Ces discours s'inscrivent parfaitement dans l'objectif de la Chine de s'imposer sur le marché africain. Ensuite, viennent les nouveaux constructeurs dans le secteur automobile, comme le Kenya, le Rwanda, et l'Ouganda. Ces pays ne disposent pas d'industries traditionnelles, mais considèrent les véhicules électriques comme une opportunité de passer directement à une production de plus haute technologie et respectueuse de l'environnement. 

Bien que chaque gouvernement ait son programme spécifique, tous tentent de tirer parti de la transition vers les véhicules électriques et de l'intégrer dans leurs plans nationaux de développement économique.

Par exemple, le Kenya est devenu l'un des pôles les plus dynamiques d'Afrique en matière de véhicules électriques, grâce à des incitations fiscales , au déploiement rapide de stations de recharge, et grâce au soutien et à la politique gouvernementale d'intégration du développement des véhicules électriques dans la stratégie énergétique nationale. La capitale, Nairobi, a mis en service une flotte de bus électriques afin de rendre son réseau de transport public plus écologique.

An electric bus in Nairobi, Kenya.

Un bus électrique en cours de recharge à Nairobi, Kenya. Capture d'écran tirée d'une vidéo YouTube. Usage autorisé.

Une start-up vedette, Roam Motors au Kenya, a obtenu un financement de l'institution financière de développement (DFC) du gouvernement américain pour développer des bus et des motos électriques , tandis que l'agence allemande de développement GIZ travaille avec le gouvernement pour l'amélioration de l'efficacité des transports.

Un autre exemple est l'introduction par l'Ouganda d'une politique nationale de mobilité électrique en 2018. Elle consiste à accorder des exonérations avantageuses sur la TVA, les droits d'importations, et des réductions d'impôts sur les véhicules électriques, les batteries, et les équipements de recharge. EV24.Africa, un groupe qui promeut l'adoption de véhicules électriques sur le continent, a présenté les ambitions à long terme du gouvernement: « Le gouvernement vise à encourager l'adoption des véhicules électriques malgré leurs prix plus élevés, en visant l'électrification complète des transports publics d'ici 2030 et celle des véhicules particuliers d'ici 2040. »

Par ailleurs, le Maroc occupe vraiment une position spéciale sur le continent, en tant que porte d'entrée potentielle vers les marchés africain, européen, et américain. Le pourcentage de la production marocaine de véhicules exportés vers l'Europe est approximativement chiffré entre 80 et 90%, juste derrière la Chine. Le gouvernement marocain a annoncé son intention de tirer parti de son solide réseau manufacturier pour s'assurer que 60 % de ses véhicules exportés soient électriques . Les responsables marocains ont mis en exergue leur statut de pays de libre concurrence , un pays partenaire commercial disposant de fournisseurs de matières premières et de clients européens, devenu de fait une plaque tournante logique pour les méga usines de batteries.

La Chine a très favorablement accueilli ces mesures.  Depuis des années, le Maroc est présenté comme l'un des maillons essentiels de l'initiative chinoise « Belt and Road » (BRI), son projet mondial d'infrastructures, de transport, et de connectivité énergétique. Du fait des dernières mesures tarifaires appliquées par l'Union européenne contre les véhicules électriques chinois, l'attractivité du Maroc est revenue à nouveau au cœur des débats des entreprises chinoises. Basé à Shanghai, Global Exhibition, un groupe d'affaires facilitateur des expansions en l'Asie de l'Ouest et en Afrique du Nord, a expliqué la stratégie qui justifie son implantation au Maroc:

对中国而言,摩洛哥不仅是其电动汽车行业离岸外包的重要选择,更是其全球战略棋局中的一枚关键棋子。通过布局摩洛哥,中国不仅能够避开欧美的保护主义政策,继续将产品销往西方市场,还能够进一步拓展其在非洲和全球的影响力。

Pour la Chine, le Maroc est non seulement un choix important d'externalisation offshore pour son industrie des véhicules électriques mais surtout un pion stratégique de son plan d'action mondial. En établissant une forte présence au Maroc, la Chine peut contourner les politiques protectionnistes américaines et européennes afin de maintenir la commercialisation de ses produits dans les marchés occidentaux, tout en étendant son influence sur l'Afrique et la scène internationale.

Un grand nombre de médias chinois et d'instituts de recherche liés à l'État saluent aussi le rôle primordial joué par le Maroc dans la promotion de la  stratégie mondiale de la Chine en matière de véhicules électriques.  

Mais ce n'est pas le seul acteur à vouloir se lancer dans la production de véhicules électriques. Le gouvernement sud africain a annoncé en mars 2025 qu'il comptait investir 1 milliard de rands (54,27 millions de dollars ) pour stimuler la production de véhicules électriques d'ici 2035. L'objectif de cet investissement est de transformer l'industrie automobile du pays en mettant l'accent sur les véhicules électriques, les batteries, et les infrastructures de maintenance. Le gouvernement local pense « que ce plan s'inscrit dans les objectifs mondiaux de développement durable et vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en préservant la position de l'Afrique du Sud comme pôle automobile de premier plan en Afrique subsaharienne. »

Compte tenu de cette dynamique, nous pouvons affirmer sans nous tromper que l'Afrique ne se contente pas d'être « un maillon » de la chaine d'approvisionnement chinoise, mais elle essaie aussi d'imposer ses conditions dans cette course planétaire aux véhicules électriques.

A BYD outlet. Screenshot from YouTube.

Un point de vente de BYD. Capture d'écran de YouTube.

La promesse et le piège

En Chine, les discours officiels, les entreprises, et les décideurs politiques nationaux considèrent que l'intégration de l'Afrique au marché chinois des véhicules électriques est un partenariat « gagnant-gagnant » — L'Afrique bénéficie de la création d'emplois, des infrastructures, et d'une intégration rapide dans la mobilité propre, tandis que la Chine maintient ses volumes de production et sa portée mondiale. Mais la réalité est plus complexe que cela.

De nombreux analystes ont averti que l'Afrique risquait d'être cantonnée au bas de l'échelle de la chaine de valeurs des véhicules électriques . Selon un rapport d'Africa Confidential les usines d'assemblages et les concessionnaires automobiles font rarement le saut vers les systèmes de fabrication de pointe et la haute technologie..

Un autre risque subsiste dans la différence des niveaux de bénéfices. Même la méga usine marocaine, bien qu'ambitieuse, est étroitement liée aux réseaux contrôlés par la Chine, ce qui constitue un problème de souveraineté et de pouvoir de négociation.

Le risque à long terme est désigné par Le Paradoxe Vert — Les véhicules électriques sont indéniablement plus respectueux de la nature que les voitures à essence à long terme, mais l'extraction initiale du cobalt, du lithium, et des terres rares nécessaires à leur fabrication entraine souvent des dommages environnementaux et sociaux si l'exploitation minière est non réglementée, négligente et abusive. Sans une gouvernance plus forte, l'Afrique risque de reproduire les anciens modèles extractifs sous une « bannière verte ».

Le résultat probable est une dépendance camouflée sous le terme de durabilité: l'Afrique deviendrait un fournisseur périphérique et un marché de consommation à bas prix dominé par la Chine. Pour éviter cela, les défenseurs de l'environnement insistent sur le fait que les voix locales soient entendues et associées aux processus décisionnels. La transition écologique ne sera juste et équitable qu'avec une participation inclusive et égalitaire des populations africaines.


Concours de chant ou arène politique ? Quelles sont les nuances de l'Eurovision et de l'Intervision en 2025 ?

Fri, 14 Nov 2025 15:16:59 +0000 - (source)

« L'ironie c'est que ces concours ont été initialement conçus comme l'opposé de la politique »

Initialement publié le Global Voices en Français

Screenshot of a video of Intervision 2025's winning performance from Vietnam, represented by Đức Phúc with the song ‘Phù Đổng Thiên Vương’ on Kieran Edmunds's YouTube channel. Fair use.

Capture d'écran d'une video de la performance du Vietnam, qui a remporté l'Intervision 2025, avec la chanson ‘Phù Đổng Thiên Vương’ interprétée par Đức Phúc, issue de la chaîne YouTube de Kieran Edmunds. Utilisée avec permission.

Les concours de chant sont devenus fortement politisés. De l’Eurovision à l’Intervision, presque tous les concours de musique internationaux, tel que le Festival ABU TV ou Viña del Mar le Festival international de la Chanson, finissent par devenir le reflet de la géopolitique. Les juges, le public, même les artistes se retrouvent entraînés dans un jeu de symboles, où mélodie et paroles cessent d'exister par elles-mêmes et deviennent une façon de faire passer un message entre les lignes.

En septembre 2025, la Russie a annoncé le retour de l'Intervision, qui semble se présenter comme une alternative à l'Eurovision, dont la Russie a été exclue depuis le début de la guerre totale en Ukraine en 2022.

Les responsables du pays organisateur insistent, bien-sûr, sur le fait que le concours est « apolitique. » Alexander Alimov, un responsable au sein du ministère russe des Affaires étrangères, a déclaré dans une interview avec TASS que « l'Intervision n'avait pas été conçu dans le but de faire contrepoids à l'Eurovision, même s'il existe certainement des différences entre les deux. Notre concours n'a aucune connotation politique. Nous recherchons une langue unificatrice basée sur des valeurs telles que le respect mutuel, la souveraineté culturelle et l'égalité. »

En même temps, ce projet indépendant, décrit dans les médias russes comme ayant son propre concept distinct, ressemble — tout à fait par hazard — étonnamment à l'Eurovision: par son nom, sa sélection de présentateurs, son style visuel et par sa conception générale.

Ci-dessous la diffusion intégrale de la finale de l'Intervision sur YouTube :

Et voici la diffusion intégrale de la finale de l'Eurovision sur YouTube:

L'ironie, c'est que ces concours ont été initialement conçus pour être le contraire de la politique. L'Eurovision est née dans les années 50 avec l'idée d'unir l'Europe à travers la culture, alors que l'Intervision est apparu dans les années 1970 comme son homologue socialiste. Des artistes de l'Europe de l'Est, de l'URSS et de nations alliées ont participé, visant à montrer que le Rideau de Fer ne bloquait pas les échanges culturels. Organisé à Sopot, en Pologne, le concours — malgré une diffusion limitée  — est devenu l'une des scènes musicales les plus reconnues du bloc de l'Est. En 1981, l'Intervision de Sopot a été annulé en raison de la montée en puissance du mouvement syndical indépendant, qui était considéré par d'autres gouvernements communistes du bloc de l'Est comme « contre-révolutionnaire. »

Aujourd'hui, alors que le monde est encore une fois divisé en camps rivaux, cette histoire semble à nouveau d'actualité. Plus le climat politique est tendu, moins la musique a de chances de rester épargnée. Les votes des jurés et du public sont de plus en plus considérés non pas comme des évaluations de talents, mais comme des déclarations d'allégeance.

Les réseaux sociaux ont amplifié cet effet. Il n'est guère surprenant que sous les articles consacrés à l'Intervision, on trouve des commentaires tels que : « Je l'ai regardé hier. C'était merveilleux. Aucune nudité, tout le monde était vêtu de façon décente. Aucun drapeau arc-en-ciel. » Le fait même que les téléspectateurs jugent l'idéologie plutôt que les performances montre à quel point la conversation s'est éloignée de la musique elle-même.

Le Centre Carnegie de Berlin a mis en évidence un moment intéressant pendant le spectacle :  alors que le présentateur a demandé au chanteur, qui représentait l'Inde, le sujet de sa chanson, ce dernier a répondu en anglais, « Elle parle d'amour — peu importe qui tu aimes. »

En Russe, cependant, cela a été traduit comme suit : « Habituellement, quand les gens parlent d'amour, ils désignent l'amour entre un homme et une femme. Mais ma chanson parle d'un autre genre d'amour — l'amour pour ses parents. » Ceci a été perçu comme une tentative d'éviter le genre de « vulgarité » que certains responsables russes ont attribué à l'Eurovision.

Il fût un temps, au cours du siècle dernier, où l'Intervision offrait à cette partie du monde des chansons inoubliables et des artistes remarquables.

Ci-dessous une vidéo YouTube du concours de l'Intervision Clé d'Or de 1968 organisé à Karlovy Vary :

Ci-après  une chanson du concours de l'Intervision organisé à Sopot, en Pologne, en 1977 :

La renaissance de l'Intervision, qui fait actuellement l'objet de discussions animées, s'inscrira inévitablement dans ce contexte. Il ne peut pas exister en dehors de la politique, mais il peut offrir une perspective différente — non pas une rivalité, mais un dialogue entre les cultures. Après tout, la musique reste la seule langue que le monde peut encore parler sans traduction.


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